« La responsabilité des gestionnaires hospitaliers est d'anticiper le changement avant d'avoir le revolver sur la tempe »

Le 31 mai, Stéphan Mercier a remis les clés du CHU Helora à la nouvelle équipe dirigeante. En 25 ans de direction générale, ce gestionnaire et criminologue de formation a dirigé le CHU Brugmann, la Clinique Notre-Dame de Grâce et le Groupe Jolimont. Il a œuvré à une dizaine de fusions dans le secteur hospitalier. Il livre quelques conseils aux autorités et au secteur.  

Nous avons demandé à Stéphan Mercier (lire l’interview dans son intégralité dans Le Spécialiste n°237) ce qu’il, fort de sa grande expérience, recommanderait au niveau fédéral, si le ministre de la Santé lui prêtait une oreille attentive? « La première question - qui parcourt tout le débat aujourd'hui - est de savoir s'il y a assez d'argent dans le système. Vous allez entendre beaucoup de gens, à commencer par des collègues directeurs d'hôpital, qui vont vous répondre par l'affirmative. Ces positions sont un peu schizophréniques parce que quand vous avez des difficultés à boucler le budget de votre hôpital, c'est un peu étrange de dire qu'il y a assez d'argent dans le système. De manière générale, deux tiers des hôpitaux sont actuellement dans le rouge. Moi, j'aurais tendance à exprimer ce constat autrement en disant qu'il n'y a pas assez d'argent pour faire tout ce qu'on nous demande de faire. Donc, si on ne réforme pas toute une série de règles, par exemple, les agréments et les normes, il n'y a pas assez d'argent. 

Si on garde les mêmes contraintes, si l'on doit répondre aux mêmes objectifs, s'il faut être présent sur tous les fronts, si un hôpital doit nécessairement avoir tous les services et toutes les spécialités, si dans un service d'urgence vous devez nécessairement tourner 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7... alors il n'y a pas assez d'argent dans le système. Si on continue à travailler comme on le fait actuellement, je ne vois pas d'éclaircies significatives à l'horizon. » 

Eviter le nombrilisme

L’ancien directeur général estime que la réforme prioritaire qu'il faudrait faire est partiellement en cours, mais qu’elle est menée de façon complètement désordonnée. « Les réformes des honoraires médicaux, du BMF et du financement des infrastructures doivent se faire ensemble. Nous ne sommes pas assez humbles dans notre petite Belgique pour se dire que des réformes ont déjà été faites à l'étranger et qu'on pourrait s'en inspirer. On gagnerait du temps à les importer est à les améliorer. Ce nombrilisme consomme une énergie monumentale et, du coup, les délais de mise en œuvre des réformes sont complètement ahurissants. Personne ne reprochera au ministre Vandenbroucke ne pas être quelqu'un de travailleur ni d'être volontaire, mais il annonce des décisions qui seront concrétisées dans des années. Ce qui est très compliqué pour les gestionnaires hospitaliers. » 

Autre enjeu capital dans les discussions difficiles à venir entre les autorités et le secteur : la taille minimale des hôpitaux. « Comment va-t-on profiler les petits sites?  Et dans quel timing? Si l'objectif est de le faire en 2026, avec une période intermédiaire, ce n'est pas gérable. Quel est le chemin à suivre? Parce que les directions hospitalières ne peuvent pas donner un cap et puis en changer. Nous risquons de démobiliser les équipes. C'était un des défis d'Helora de définir une vision stratégique sur le long terme. Au quotidien, actuellement, cette stratégie ne change pas grand-chose pour les patients. Mais dans 5, 10 ans, notre positionnement aura changé. Il faut donc s'y prendre bien à temps pour changer de stratégie. La responsabilité des gestionnaires est d'anticiper le changement avant que ce ne soit une urgence, avant d'avoir le revolver sur la tempe. »

Par ailleurs, Stéphan Mercier recommande aux gestionnaires hospitaliers de miser sur une collaboration forte entre le président du Conseil médical, le directeur médical et le directeur général. « C'est un modèle de fonctionnement idéal pour pouvoir avancer correctement. »

Etre authentique

« J'ai toujours été persuadé qu'il n'y a pas qu'une seule manière de faire les choses. Pour moi il n'y a pas un modèle de directeur d'hôpital, il n’y a d'ailleurs pas un modèle d'hôpital ou de gestion hospitalière. Mon conseil est:  faites les choses comme vous savez les faire, en étant en phase avec vos valeurs. L'authenticité est une qualité importante. Il ne faut pas croire que le modèle X ou Y est applicable ou transposable », ajoute l’ex directeur général qui se déclare prêt à mettre ses multiples compétences au service des secteurs de la santé et de l’enseignement.

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