« Le patient n’est plus en bonne santé – et notre système de soins non plus ». Par cette formule, la Société belge de radiologie tire la sonnette d’alarme dans une analyse critique de la politique menée depuis 2020 par le ministre fédéral de la Santé Frank Vandenbroucke. Après quatre années de réformes qu’elle juge mal coordonnées et idéologiquement orientées, la profession médicale déplore une perte d’efficacité, une surcharge chronique du système et une dégradation visible de la qualité des soins.
Avant 2020, la Belgique figurait parmi les meilleurs élèves européens en matière de santé. En 2021, 90 % des Belges se déclaraient satisfaits de leurs soins, contre 83 % aux Pays-Bas et 71 % en France. Le taux de besoins médicaux non satisfaits pour cause de listes d’attente avoisinait 0 %, et la mortalité évitable due à des maladies traitables était l’une des plus faibles d’Europe.
Sur le plan économique, les dépenses de santé étaient proches de la moyenne européenne, avec un ticket modérateur relativement modéré : 4 euros en moyenne pour une consultation de médecine générale, et 1 euro pour les bénéficiaires de l’intervention majorée. « Le rapport qualité-prix était excellent », souligne le rapport des radiologues.
Une dégradation rapide et structurelle
Depuis 2020, plusieurs indicateurs sont passés au rouge. La satisfaction des patients a chuté de 8 %, et jusqu’à 60 % des médecins généralistes ont dû restreindre l’admission de nouveaux patients. En parallèle, les services d’urgence enregistrent un afflux massif de patients, dont près de la moitié ne présentent pas de pathologies urgentes, selon des données relayées par plusieurs médias.
« Là où efficacité et accessibilité allaient jadis de pair, nous voyons aujourd’hui une politique bien intentionnée sombrer dans le chaos », déplore la Société belge de radiologie. La profession ne conteste pas le nombre de médecins – 14 286 généralistes en 2023, en légère hausse – mais pointe plutôt les effets délétères d’un abaissement généralisé des seuils d’accès, notamment par l’extension du tiers payant à l’ensemble de la population.
Une politique de la gratuité contre-productive
Les radiologues dénoncent une politique électoraliste, fondée sur une vision idéalisée de la gratuité : « Gratuit n’existe pas. On transfère la facture du patient vers le contribuable, mais le vrai coût se paie en attente, en frustration et en perte de qualité. » Selon les auteurs, les patients consultent davantage, mais pas toujours à bon escient. Certains rendez-vous relèveraient davantage de démarches administratives que de soins médicaux. Ce phénomène, combiné à l’absence de régulation ou de triage efficace, contribuerait à l’asphyxie du système.
Des réformes à haut risque
Pour la législature 2025–2029, les radiologues redoutent un tournant vers une « médecine d’État ». Parmi les mesures prévues : extension du tiers payant aux dentistes et kinés, réforme du financement hospitalier vers un modèle forfaitaire, et imposition de quotas d’examens comme les CT ou les IRM. Autant de décisions qui, selon eux, « sacrifient la santé sur l’autel de l’idéologie » et risquent d’accentuer la bureaucratie tout en affaiblissant l’autonomie des prestataires.
La profession rappelle que le Royaume-Uni entame aujourd’hui un démantèlement partiel du NHS pour des raisons comparables de surcharge et d’inefficacité. « Pourquoi Vandenbroucke veut-il aller dans l’autre sens ? », interroge la société savante.
Un appel au sursaut politique
Face à ce constat, les radiologues appellent à « un débat urgent, honnête et fondé sur les faits ». Ils plaident pour une meilleure régulation de l’accès aux soins, des campagnes de sensibilisation efficaces et une écoute réelle des professionnels de terrain.
« La santé est sacrifiée sur l’autel de l’idéologie. En tant que médecins, nous en avons assez de rester silencieux pendant que le patient paie les frais », concluent-ils, exhortant les autorités à replacer la qualité des soins au centre des priorités politiques.
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Derniers commentaires
Nathalie PANEPINTO
29 juin 2025L'accessibilité financière des soins bute contre le prix de médicaments. Le ministre ne touche pas beaucoup à cet obstacle car, contrairement aux patients (voulant souvent, tout, tout de suite), les médicaments ne votent pas...
Jean-Noël Ergo
26 juin 2025Pardon 20%
Jean-Noël Ergo
26 juin 2025Une IRM, c’est 500€, un scanner aussi, le patient s’en rend il compte ?
Un ticket modérateur à 25% (à discuter pour les BIM) n’aurait rien de choquant et limiterait les demandes superflues
Jean-Noël Ergo
26 juin 2025Très bonne analyse, depuis 2 ans je suis débordé par des gens consultant pour des bêtises ou des demandes d’avantages , et je ne peux plus me concentrer sur ceux qui en ont vraiment besoin