Médecins en formation: quel bilan un an après la nouvelle convention ?

En cette rentrée 2022, un anniversaire important est fêté par les Médecins Assistants Candidats Spécialistes (MACS) : voici un an la nouvelle convention de travail était lancée. Alors réussite ou échec ? Et quels sont les autres dossiers de l’actualité des MACS. Le Dr Sami Barrit, membre de la Délégation, fait le point  
« Des réussites et des échecs. On essaie évidemment de rester constructif, mais nous devons tirer un bilan sans concession avec les avancées et les reculs. Nous ne pouvons pas oublier que certains contrats hospitaliers qui étaient légèrement avantageux pour les médecins assistants ont été diminués avec la nouvelle convention collective. Certains avantages ont été revus à la baisse, ce qui n’était pas prévu, ni promis par la plupart des hôpitaux — des engagements tenus publiquement lors de la grève des MACS ont été reniés. Le bilan de cette première année reste donc très mitigé . » 
Il reste des frictions avec les hôpitaux ?
« Nous avons vraiment l’impression que de nombreux hôpitaux veulent entretenir la précarité du système uniquement pour des contraintes financières. Ils ne veulent pas évoluer et faire évoluer le système tant au niveau des soins qu’au niveau juridique ou légal. On le voit avec les contrôles de l’auditorat du travail qui constatent encore et toujours ces différents manquements : le système va devoir être révisé. Si les hôpitaux et les coupoles ne le révisent pas maintenant de manière proactive avec les différents partenaires, ils devront le réviser dans l’urgence à marche forcée. Les économies de bouts de chandelles qu’ils font actuellement vont leur coûter très cher dans les années à venir. Les médecins en formation vont devenir une denrée rare et convoitée, ils iront préférentiellement dans les hôpitaux qui évoluent dans le bon sens. »
Vous voulez aussi investir plus dans la formation ?
« Le chantier de la formation des MACS est notre priorité. Nous avons besoin d’un réel changement de paradigme quant à l’organisation des stages, leurs évaluations et leurs encadrements. On sent que le SPF santé publique comprend l’ampleur des problématiques et qu’ils sont de bonne volonté. On peut toutefois s’interroger sur le fait qu’on leur donne assez de moyens. On remarque que quand ils veulent insuffler des nouvelles dynamiques, ils sont confrontés à un certain corporatisme et des conflits d’intérêts du monde médical qui les entravent. On espère que le SPF nous intégrera plus dans la démarche pour que l’on puisse partager notre expérience du terrain et s’inscrire dans une démarche collective efficace. Plus que de la bonne volonté, nous avons besoin de prise de responsabilité courageuse des décideurs politiques. »
Êtes-vous rassurés au niveau du contrôle du temps de travail ?
« Nous restons aussi très vigilants. M. de Cock avait prévu un budget conséquent pour le lancement d’un marché de développement d’une application d’enregistrement du temps de travail. Une solution devait arriver sur le terrain pour septembre. Depuis, pourtant, nous n’avons plus de nouvelles. Nous craignons qu’ils ne puissent pas tenir leur agenda. Mais surtout, nous voyons se profiler l’écueil annoncé d’ une solution de façade extrêmement coûteuse qui ne résoudra pas les problèmes de fond critiques: il est vraisemblable que malgré le budget alloué, l’outil développé ne sera pas en capacité d’imposer les bonnes pratiques vitales à la sécurité des MACS et des patients ... même si en septembre, on espère toujours une bonne surprise. »
Avez-vous une alternative ?
« Pour rester fidèle à notre démarche constructive qui refuse la critique gratuite, nous sommes en train de développer notre propre application. Nous avons terminé la première phase test avec une dizaine de médecins en formation belges et les résultats sont très encourageants. Ce développement est réalisé bénévolement avec l’aide d’une start-up anglaise spécialisée: cet outil open-source sera à la disposition de tout le monde gratuitement et pourra être adaptable à d’autres pays comme en France ou aux Etats-Unis où les jeunes médecins sont confrontés à des problématiques similaires. La version belge qui tient compte de toutes nos spécificités verra le jour prioritairement . »

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Derniers commentaires

  • Alexandre Niset

    23 aout 2022

    Monsieur Van De Staedt,

    Quelques lectures pour mitiger les propos avancés :
    - Loi sur le temps de travail (1971) : https://www.ejustice.just.fgov.be/eli/loi/1971/03/16/1971031602/justel
    - Loi sur le temps de travail des médecins (2010) : https://www.ejustice.just.fgov.be/eli/loi/2010/12/12/2010012338/justel
    - Evolution du nombre d'Emergency General Surgery sur 10 ans : https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/25058242/
    (nb : +32% sur le nombre d'opération entre 2001 et 2010, on peut imaginer que la charge de travail entre vos années de post-graduat et celle des actuel.les PG n'aient plus rien à voir)
    - Increased errors and decreased performance at night: A systematic review of the evidence concerning shift work and quality (2016) : https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/26890590/
    - Effect of reducing interns' work hours on serious medical errors in intensive care units (2004, NEJM) : https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/15509817/
    "Interns made substantially more serious medical errors when they worked frequent shifts of 24 hours or more than when they worked shorter shifts. Eliminating extended work shifts and reducing the number of hours interns work per week can reduce serious medical errors in the intensive care unit."

    Nous nous impliquons pour s'assurer que la santé de nos confrères et consoeurs soit une priorité, autant que celle de nos patient.es.
    Les preuves infirmant vos arguments existent, et depuis des années.

  • Francois Planchon

    23 aout 2022

    Le problème est le chantage aux évaluations, et à l'embauche future : les MACS n'osent pas se plaindre quand la convention de travail n'est pas respectée...
    Je me demande si il ne faudrait pas intégrer dans la démarche toutes les professions en formation dans les hôpitaux : aides soignants, infirmiers, kinés etc.. de manière à éviter qu'il n'y ait plus d'exploitation au sens large du terme, des horaires de travail normaux, des cadences permettant d'étudier...
    En incluant toutes les professions, les abus seront plus facilement dénoncés et le nombre ferait mieux le poids face aux institutions...
    Par contre, les pénuries de prestataires et/ou les cadres insuffisants sont une tentation pour les institutions d'exploiter les stagiaires et étudiants pour compenser ces pénuries.
    Combien d'institutions tiendraient le coup financièrement et du point de vue des horaires SANS les stagiaires et étudiants ??? PAS beaucoup, je crois ...

  • Jean VAN DE STADT

    22 aout 2022

    J'ai été chirurgien pendant 40 ans, en hôpital académique. Nous avions aussi été "post-gradués", nous travaillions beaucoup plus en terme d'heures. Mais on savait que chaque intervention faite, même en horaire inconfortable, participait à notre formation. Aujourd'hui, les jeunes médecins exigent d'être formés entre 8h30 et 17h00, de faire le moins de garde possible, alors que c'est aussi pendant celles-ci qu'on apprend son métier. La médecine est devenue un métier où on veut tout (formation, salaire), reconnaissance) tout de suite et sans trop d'efforts ! Ce n'est plus du tout une passion. Les temps changent,... Reste à démontrer que cela sera aux bénéfices des patients, seul critère qui devrait compter quand on parle de médecine, on l'oublie trop souvent !
    Jean Van de Stadt
    Ex-chef de clinique en chirurgie colorectale-hôpital Erasme
    Ex-président de la société royale belge de chirurgie.