Jacques de Toeuf: «le KCE n’est pas indépendant»

Le KCE craint pour son indépendance, une fois aspiré en vertu du redesign des administrations de santé au sein du futur mastodonte «Sciensano», au CA fortement politisé. La nouvelle entité de 800 collaborateurs englobera aussi l’Institut scientifique de santé publique, le Centre d’études et de recherches vétérinaires et agrochimiques et le Conseil supérieur de la santé. Le Dr de Toeuf, pour l’ABSyM, estime que le KCE n’a jamais été indépendant.

Son confrère Marc Moens représente le syndicat au conseil d’administration du KCE. «Dans ce CA, vous trouvez déjà des émissaires du gouvernement, du ministère de la Santé publique et de celui des Affaires sociales, plus trois-quatre hauts fonctionnaires, souvent des ex-membres de cabinets, plus un parlementaire… Bien sûr, on y trouve aussi deux médecins, des hôpitaux, des infirmiers… Mais donc, c’est un organe qui, déjà aujourd’hui, est très largement inféodé au politique», considère Jacques de Toeuf.

Le Centre rend des rapports, poursuit-il, en effectuant des revues de la littérature ou en sous-traitant à des tiers des études. «Les conclusions futures se devinent parfois déjà à la lecture de la mission et dans le choix des experts à venir. Il est arrivé que des études changent d’angle ou parviennent à des résultats divergents sans que l’environnement, les progrès technologiques, la fréquence d’une pathologie… n’aient varié pour expliquer le phénomène», estime le Dr Toeuf, qui a en tête «deux études sur les PET scans menées à quelques années d’intervalle et se soldant par des recommandations en contradiction».

Le syndicaliste relate que le KCE interroge régulièrement des experts dans le cadre d’une étude – parfois des membres de l’ABSyM, y compris lui-même – «et que, parfois, ceux-ci ne se retrouvent pas du tout par la suite dans les avis parus». Les travaux «sont toujours guidés par la bonne cause, bien sûr, une juste affectation des moyens, etc. Parfois, c’est fort curieux, les recommandations semblent aller au-delà de la compilation des analyses effectuées et correspondent à ce qu’on trouve dans le plan d’attaque de la ministre lancé quelques semaines plus tôt. Une bien curieuse transfusion de savoirs…», ironise le Dr de Toeuf qui songe ici – «notamment» – à l’étude sur les soins non planifiables.

«Attention, je ne dis pas qu’il s’agit de travaux inutiles. Il y a des choses fort intéressantes. Seulement, cette histoire d’indépendance à préserver par rapport au monde politique, cela me fait rigoler. C’est le plus mauvais des arguments à entendre. Indépendant, le KCE ne le sera ni plus ni moins qu’avant.»

Le Dr de Toeuf fait encore observer que la logique du redesign, qui tend à rassembler des institutions publiques assez semblables, ou en tout cas à jeter des passerelles entre elles et intensifier leur collaboration, ne concerne pas que le KCE ni même le secteur de la santé. Comme la modernisation de la fonction publique, «elle était inscrite dans la déclaration gouvernementale». Pour lui, le redesign génère des rassemblements de structures, des regroupements de services, avec des organigrammes plus horizontaux, une cohérence et une vitesse accrue dans les décisions. «Ça n’a rien de choquant en soi. C’est même tout à fait classique dans le privé.»

Sur proposition de la ministre des Affaires sociales et de la Santé publique Maggie De Block, le Conseil des ministres a approuvé un projet d'arrêté royal sur le financement du Centre fédéral d?expertise des soins de santé en 2017.

 Rappelons que le montant, à charge des frais d'administration de l'Institut national maladie-invalidité (INAMI), destiné au financement du Centre fédéral d'expertise des soins de santé (KCE) s'élève à 12.812.065 euros pour 2017. En 2012 il avait reçu 9,23 millions d'euros.

> Lire aussi : Le directeur du KCE craint pour l'indépendance de l'institution

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Derniers commentaires

  • Thierry-Georges PONTUS

    01 octobre 2017

    le KCE a largement appuyé le déremboursement du PSA en s'appuyant sur des données qui sont aujourd'hui démontées par les nouvelles études . Si il y'a eu des excès dans l'usage de ce dosage , l y'a eu aussi un excès manifeste dans la déconsidération de ce test notamment auprès de nos confrères généralistes .Le but premier était de faire des économies et on a pas hésité à inventer ce concept idiot de "surdiagnostic" le diagnostic est une expression de la vérité et n'il existe pas en dehors de la croyance divine de "survérité". Le surtraitement étant un problème différent qui a été pris en compte et stigmatisé par les sociétés savantes .Nous attendons une révision des propositions du KCE à propos du dépistage du cancer prostatique .

  • Michel VANDER STAPPEN

    29 septembre 2017

    Bien d'accord.
    Les conclusions du KCE sont svt loin d'être neutres ou guidées par des considérations scientifiques correctement recueillies (cad études non sélectionnées selon des a priori) et ont peu de crédibilité.

  • Harry DORCHY

    29 septembre 2017

    Devinez quelLE est la signification de l'acronyme KCE..
    Pardon: Ik heb een fout gemaakt in het Frans...

  • Jean-Baptiste VANDERPAS

    29 septembre 2017

    Etant médecin à l'Institut de Santé publique, je ne peux qu'être d'accord avec Dr De Toeuf: c'est evident que celui qui finance, contrôle. Et qui finance le KCE? C'est le federal. Logique, dès lors, que le fédéral surveille de près les choix d'études et leurs conclusions. D'ailleurs, peut-on encore véritablement parler d'indépendance médicale, en general, en dehors de cette question spécifique du KCE? Y a-t-il encore un médecin strictement independent quand il est rémunéré en grande partie via les remboursements INAMI? Plutôt que de chercher une "independence mythique" qui n'existe pas, il est préferable de parler d'"interactions négociées entre intervenants médicaux multiples". Chaque intervenant defend son point de vue, et en fin de compte, un équilibre s'obtient quand meme entre ces différents points de vue.

  • Harry DORCHY

    29 septembre 2017

    Mais bien sûr...
    Devinez quel est la signification de l'acronyme KCE utilisé pour et par les francophones (cocus & contents de l'être)...
    Centre fédéral d’Expertise des Soins de Santé (KCE) ...
    Prof dr Harry Dorchy