Accréditation: "Promouvoir la qualité n’est pas un one-shot"

Leslee Thompson, PDG de l’Organisation des normes en santé et d’Accreditation Canada, était récemment en visite dans plusieurs hôpitaux belges. Une occasion unique pour HealthCare Executive d’interroger cette ancienne directrice générale d’hôpitaux canadiens sur la pertinence et l’évolution des processus d’amélioration des soins de santé.   

Vous avez effectué une tournée des hôpitaux belges. Vous faites souvent ce déplacement?

Leslee Thompson: Accreditation Canada (AC) est présent dans 40 pays, dont le Canada, et sur 5 continents. Je me rends avec plaisir dans les hôpitaux partenaires pour comprendre les besoins, les difficultés et les défis des professionnels et pour, à l’occasion, célébrer avec eux les accomplissements réalisés pour améliorer la sécurité des soins aux patients.  

Combien d’hôpitaux sont accrédités par AC en Belgique?

Nous évaluons la qualité des soins selon des standards d’excellence dans plus de 70 sites hospitaliers généraux, spécialisés et psychiatriques ainsi que dans des maisons de repos. 

On sait peu en Belgique que vous accréditez aussi des maisons de repos. Cette accréditation est-elle moins mise en avant que celle des hôpitaux? 

La Belgique est encore dans un premier stade de la réforme des réseaux organisés autour de l’hôpital et d’un système intégré proposant des soins de longue durée et communautaires. Plus nous allons évoluer dans ce sens, plus les gens seront ouverts à un système qui n’évalue pas qu’une partie, mais aussi les standards et le langage commun au sein du secteur. AC travaille pour les hôpitaux, les soins de longue durée, la santé mentale, les ambulances, les petites organisations de santé, les soins à domicile… Nous supportons l’amélioration de la qualité dans chaque partie de cet écosystème. Nous aidons à créer un système de santé connecté. 

Que diriez-vous à des médecins ou des soignants qui estiment que l’accréditation fait peser une charge administrative importante sur leurs épaules et qu’ils doivent surtout concentrer leurs efforts sur les soins à fournir aux patients? 

Il est important pour des médecins de travailler dans un environnement qui les aide à délivrer des soins de la meilleure qualité possible. Adopter des standards d’excellence aide les médecins à être capables de fournir les meilleurs soins à leurs patients en étant supportés par leur équipe. Ils ont besoin de savoir que les infirmières, les kinés, le personnel d’entretien… collaborent, par exemple, à suivre les protocoles pour lutter contre les infections nosocomiales. Dans le cas contraire, les soins que fournissent les médecins risquent d’être inefficaces. Quand toute l’équipe travaille ensemble afin d’augmenter la qualité, l’expérience du patient et pour améliorer les conditions de travail, elle obtient des résultats très concrets. Un bon médecin n’imaginerait jamais travailler sans suivre des guidelines cliniques. Nous avons développé des guidelines pratiques pour les équipes et les organisations afin d’assurer le leadership et la gestion des médicaments, des infections, des équipements, de la qualité… Les médecins ne peuvent pas engranger des succès s’ils sont isolés. Ils font partie d’une équipe au service des patients. Ce principe est la clé de l’amélioration de la qualité. 

Le processus d’accréditation entraîne une charge de travail importante et supplémentaire pour une partie du personnel. Avez-vous une idée du temps (en ETP/jour) que prend ce processus pour un hôpital de taille moyenne (800 lits)?

La charge de travail varie en fonction de chaque institution.Tout dépend de la façon dont les dirigeants conçoivent l’accréditation. Pour ceux qui estiment qu’il faut utiliser les protocoles et standards pour assurer la qualité chaque jour, ce n’est pas un travail supplémentaire, c’est le travail en soi. Cela signifie qu’au sein de l’institution on gagne du temps et des efforts en faisant d’abord les choses prioritaires. C’est différent de l’approche que d’autres dirigeants peuvent avoir de l’accréditation. Ceux-ci disent que leurs institutions doivent être accréditées et demandent à une équipe de s’en charger, de préparer les dossiers pour la visite d’AC. Ensuite, ils fêtent l’obtention de leur médaille après le départ des visiteurs et c’est terminé. Ce n’est pas de cette façon-là qu’on améliore la qualité. Ce n’est pas la valeur ajoutée de l’accréditation. Viser la qualité est un investissement. C’est vrai dans toutes les entreprises. 

L’accréditation des hôpitaux a été abandonnée dans plusieurs pays du Nord de l’Europe pour différentes raisons. Comprenez-vous cette décision? 

La majorité des pays suivent cette approche. Au Canada, toutes les régions de santé et tous les hôpitaux ont opté pour l’accréditation. C’est ancré profondément dans la culture de pouvoir compter sur la confiance des patients et des usagers. 

Nous comprenons que certains pays ne s’engagent pas dans la voie de l’accréditation. Mais la plupart de ces pays utilisent d’autres moyens pour atteindre des objectifs de qualité.

Est-ce que certains hôpitaux qui ont été accrédités arrêtent de suivre ce processus après quelques années?

99% des institutions continuent dans cette voie, soit la majorité de nos 12.000 partenaires présents dans 40 pays. Ils continuent de travailler avec nous parce qu’ils se rendent compte de la valeur ajoutée de nos programmes. Promouvoir la qualité n’est pas un one-shot, c’est un continuum.

Les dirigeants hospitaliers belges restent très discrets sur le coût d’un processus d’accréditation, en dehors des coûts internes liés au travail des équipes. Avez-vous une idée de ce que cela représente en pourcentage du chiffre d’affaires d’une institution?

Le coût dépend de la taille de l’institution et de nombreux autres facteurs. Cette dépense est très faible (en pourcentage) si on la compare à d’autres budgets. Il faut aussi tenir compte de la valeur que ce coût génère. Si vous avez mis en place des protocoles précis sur la manière dont vous délivrez des soins ou sur la sécurité au sein de votre institution, vous allez gagner de l’argent parce que vous n’avez pas une multitude de protocoles à suivre. Faire quelque chose de dix façons différentes coûte toujours plus cher que le faire d’une seule façon. 

En outre, en utilisant des protocoles, vous allez réduire les erreurs qui coûtent non seulement de l’argent, mais aussi des vies. Cela ne veut pas dire qu’en adoptant des standards, vous n’aurez plus jamais d’erreurs, mais vous réduirez le risque d’en avoir. Durant ma carrière, j’ai été infirmière et puis CEO et COO de plusieurs hôpitaux, je peux affirmer qu’une politique visant la qualité permet d’aider les institutions à retenir ses équipes et à obtenir de meilleurs résultats pour les patients. 

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