Financement, emploi et cybersécurité: les multiples défis du nouveau Grand Hôpital de Charleroi

Les mots sont sur toutes les lèvres à Charleroi : le déménagement du Grand Hôpital de Charleroi sur le site des Viviers. Gauthier Saelens, directeur général de l’institution, est conscient des enjeux de ce nouveau bâtiment qui est le fruit de la fusion des établissements de soins Saint-Joseph, Sainte-Thérèse, IMTR, Notre Dame (même s’il restera en partie sur son site) et Reine Fabiola. Sur un terrain de 17 hectares, avec près de 1000 lits, les patients pourront découvrir un véritable écrin de verdure et les médecins travailleront dans un cadre paisible. Après 14 ans passés à la tête du GHdC, il fait le point avec Le Spécialiste

Vous êtes prêts pour le déménagement ? Vous avez la date ?

« Aujourd’hui, il est terminé extérieurement et les premiers équipements arrivent. Nous allons pouvoir y rassembler les expertises et les compétences. Nous avions un programme pour une entrée en service en juin 2024. Durant ce mois de septembre, nous allons analyser en détail la situation pour repréciser la date la plus exacte possible. . Ce sera un défi pour nos 4500 collaborateurs (informaticiens, secrétaires, infirmières, pharmaciens, menuisiers ...) dont 600 médecins avec les assistants. »

Que vont devenir les autres sites ?

« Ils vont être transformés en logements, commerces, crèches, école...Thomas & Piron a repris trois des sites. L'hôpital Notre Dame gardera une activité (hospitalisation et consultations). Nous allons également y construire des projets avec la Haute Ecole Louvain-en-Hainaut et l’UCLouvain qui ont racheté une partie du bâtiment. Le métro va aussi relier l’hôpital Notre Dame jusqu’aux Viviers. »

Est-ce un atout pour l’arrivée de nouveaux médecins ou assistants ?

« Les Viviers vont concentrer en un seul lieu presque tous les agréments autorisés. Pour les jeunes assistants, c’est un attrait non-négligeable. Le stage des assistants en médecine est fondamental dans un secteur comme le nôtre. Un hôpital, aujourd’hui, se doit d’offrir des stages de qualité dans un climat de bienveillance. Nos maîtres de stage doivent le permettre. Evidemment, si ces assistants sont satisfaits de leur stage, ils reviendront travailler chez nous. Nous avons une fourchette de 80 à 90% de nos médecins qui ont été assistants chez nous. Cela permet d’installer une culture d’équipe et d’institution. »

Vous arrivez à garder vos médecins à l’hôpital ?

« Nous avons au GHdC un corps médical qui reste très majoritairement temps plein mono hospitalier. Je ne constate pas de phénomène de médecins qui partent. »

Que faire pour que l’hôpital aille mieux financièrement et humainement ?

« L’activité à l’hôpital doit être mieux couverte financièrement que l’activité à domicile. Les contraintes ne sont pas les mêmes. Nous avons des contrôles et des organes (hygiène, sécurité incendie, agence nucléaire, conseil d’entreprise...) que le « soignant individuellement » n’a pas et une contrainte de soins 24h/24 y compris par exemple au laboratoire. Il serait logique que pour un acte donné, il y ait un financement supérieur à l’hôpital. Par ailleurs, il faut mettre fin à la limitation du nombre de médecins... alors que des hôpitaux doivent engager des médecins étrangers en Belgique. Quelque chose ne va pas. »

Tous les médecins trouveraient du travail ?

« Peut-être pas à l’hôpital, mais ils peuvent aller vers la médecine du travail ou scolaire, l’industrie, les administrations publiques, ... De toute façon, avant qu’on en arrive à un surplus, nous avons de la marge. On doit arrêter avec cette théorie de l’offre qui crée la demande. On doit sortir de ce blocage et nous aurons une meilleure médecine "

Le financement hospitalier vous inquiète ?
« La réforme des honoraires telle qu’elle est entamée, je ne la vois pas d’un bon oeil. Je suis convaincu qu’il faut agir à ce niveau et revoir complètement le système de financement, mais il y a une erreur historique dans le raisonnement actuel. En effet, quand on parle de la séparation potentielle de l’honoraire pour le médecin et de l’honoraire pour l’hôpital, on m’explique que cela va permettre de moins se disputer et de moins parler d’argent...Je pense au contraire que cela va diminuer la communication entre l’hôpital et les médecins.... alors qu’on nous dit que l’on doit plus se parler. J’ai peur que l’on retombe dans l’hôpital d’il y a 50 ans où le médecin se sentait moins impliqué par la gestion de l’hôpital. C’est donc un gros risque. Mais je répète : il faut revoir les honoraires. Des écarts sont inacceptables entre certaines disciplines. Il convient de mettre fin à cela. On doit juste mieux réfléchir à la manière de le faire dans cette réforme. »
Tout se passe-t-il bien avec les médecins ?
« La relation avec le Conseil médical est bonne. Nous nous parlons et je suis transparent sur les enjeux financiers. Aucun chiffre n’est secret pour le conseil médical. 
Et au niveau de la cybersécurité ?
« Il faut être responsable et humble. Aujourd’hui, c’est un gros problème pour lequel on reçoit des financements qui ne sont pas du tout à la hauteur de ce que l’on devrait accomplir. Quand on compare les moyens que les banquiers mettent pour leur sécurité et ce qui est mis dans le monde hospitalier, il n’y a pas de comparaisons possibles...et pourtant, nous parlons de données de santé. Pour moi, les données de santé sont plus délicates que les données financières. La majorité des attaques en Belgique vont aujourd'hui vers le secteur de la santé. Nous prenons ce problème avec beaucoup de sérieux. J’ai conscience que c’est une course sans fin. J’ai beaucoup de compassion pour les hôpitaux qui se font attaquer. C’est dramatique. Nous avons prévu d’augmenter encore les niveaux de sécurité dans le nouvel hôpital. Nous donnons des formations en interne et nous communiquons avec les médecins et tous les autres intervenants de notre institution. »
Ne faudrait-il pas un acte fort du niveau fédéral ?
« Nous devrions déjà partager les expériences entre les hôpitaux en terme de cybersécurité quand c'est possible. Au niveau fédéral, il faudrait un investissement global massif beaucoup plus important. Le ministre a mis quelques millions sur la table, mais c’est insuffisant. » 

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