Gouvernance hospitalière : « Il n’y a pas de place pour les touristes »

Comment articuler les différents niveaux de décision dans un hôpital? Conseil d’administration, Comité de gestion, directeur médical, médecin-chef, Conseil médical, qui fait quoi ? Un certain flottement plane entre les règles et la réalité du terrain. L’Association francophone des médecins-chefs a essayé de démêler cet écheveau lors de son symposium annuel.

« Au niveau de la gouvernance des hôpitaux, la fédération Unessa a proposé des recommandations aux autorités. Nous ne sommes jamais arrivés à émettre des recommandations figées sur un seul modèle cadenassé. Plusieurs types de modèles peuvent convenir », commente Sylvie Brichard, présidente d’Unessa. « Chaque hôpital a son ADN et son histoire. Deux éléments sont importants. Premièrement, il faut renforcer les pouvoirs et les moyens d’action des médecins-chefs. Deuxièmement, les autorités ne doivent pas être incohérentes lors de l’élaboration des règles de gouvernance des réseaux hospitaliers par rapport aux bonnes règles de gouvernance. Il ne faut pas inventer de nouvelles règles qui seraient contraires à la bonne gouvernance. »

Principes de base

Sylvie Brichard estime qu’il faut respecter trois principes de base pour assurer une bonne gouvernance. « La première condition est la confiance. C’est un fondement. Celle-ci commence par la confiance que s’accordent le directeur général et le directeur médical. Si ce binôme ne fonctionne pas, la gouvernance sera difficile. Les membres de l’équipe de direction doivent également pouvoir se faire confiance. Elle doit aussi être de mise entre le Conseil d’administration (CA) et le Conseil médical (CM), entre le CM et l’équipe de direction, entre le CM et le directeur médical… La confiance se travaille. Au départ, il faut avoir un a priori positif. C’est un cercle vertueux. Plus on fait confiance, plus on est transparent, plus on parvient à co-construire, plus la confiance se renforce. Il y a évidemment des aléas et des changements de personnes qui perturbent cette relation. Il n’y a pas de point mort. On est soit dans la confiance, soit dans la méfiance. »

La deuxième condition est la responsabilité. « Quel que soit notre rôle dans la gouvernance, nous sommes là pour prendre des responsabilités. Il n’y a pas de place pour les touristes, pour les observateurs… Les responsables se réunissent pour réfléchir, construire, faire des propositions, se renseigner, débattre… mais pas pour juste observer ce qui se passe. Quelqu’un qui participe à la gouvernance doit assumer ses responsabilités. Dans un hôpital, il y a un travail permanent d’équilibre entre les missions que nous souhaitons remplir et les moyens dont nous disposons pour atteindre ces objectifs. Nous devons tout le temps faire des choix, prendre des décisions et assumer les risques. »

La troisième condition est que l’intérêt de l’institution soit le seul objectif de toutes les parties prenantes à la gouvernance. « Cela ne veut pas dire que les intérêts des individus et des groupes sont toujours alignés. Mais 90% des intérêts de l’institution doivent coïncider avec les intérêts de ses parties prenantes. Si les intérêts du corps médical ne sont pas rencontrés, l’hôpital ne tiendra pas. Idem pour les soignants. Il reste 10% d’intérêts divergents qui sont source de friction et qui font l’objet de décisions difficiles qui vont à l’encontre de l’intérêt de certaines parties. L’intérêt global de l’institution doit toujours primer », recommande la directrice générale de la Clinique Notre-Dame de Grâce.

Quelle place pour le nursing ?

Catherine Fonck, qui a siégé bénévolement durant trois mandats au CA des Cliniques universitaires Saint-Luc, liste les qualités que doit avoir un administrateur hospitalier : « Compétence, motivation, formation, indépendance, engagement, respect de la confidentialité, capacité de dialoguer et collaborer, cohésion ». Elle a rappelé que plusieurs études et classements hospitaliers internationaux - dont la première place attribuée à la Mayo Clinic, dirigée par un médecin - ont démontré que les médecins peuvent être de bons gestionnaires hospitaliers, tout en soulignant qu’elle a essayé, en vain, de faire entrer un représentant du nursing au CA de son hôpital. Cette participation consultative ne fait pas l’unanimité, entre autres dans le monde syndical.

Notons que la présence du directeur médical au CA, en tant que membre invité avec voix consultative, a mis du temps à s’imposer dans de nombreux hôpitaux belges.

Sandra Gobert, directrice exécutive de Guberna, organisme qui vise à promouvoir la bonne gouvernance dans toutes les organisations, souligne que la co-gouvernance va, pour les médecins, au-delà de pouvoir siéger au sein du CA. « Il est important d’avoir un comité tripartite qui réunit régulièrement des membres du CA, du CM et du comité de gestion. »

Elle conseille également de sélectionner pour le CA de bons administrateurs « professionnels et engagés. » « Le vrai défi dans le monde hospitalier est de faire le lien entre les différents organes de gouvernance. Le médecin-chef est un constructeur de ponts, il doit renforcer la confiance », estime Sandra Gobert. Elle recommande également aux institutions de définir clairement les rôles des différents organes de gouvernance et de partager clairement cette information capitale.

La question se pose également de la représentation des patients dans les organes décisionnels. « Il n’y a pas de directeur commercial, qui défend l’intérêt des clients, dans un hôpital », a souligné un participant… Est-ce le rôle du médecin-chef, des mutuelles, des associations de patients, des médecins généralistes… de défendre les intérêts des patients ?

Quid également de la représentation de l’État - qui finance le système - dans le CA des hôpitaux ? Faudrait-il un administrateur indépendant qui représente globalement les intérêts de la société ? Autant de pistes de réflexion qui devraient trouver des réponses.

Gilles Samyn, ancien administrateur indépendant au GHdC, estime que le CA d’un hôpital doit régulièrement s’auto-évaluer et rappelle que le conseil d’administration est un organe collégial. Il a plaidé pour le rôle capital de l’administrateur indépendant, dont le profil pourrait s’inspirer des règles strictes de fonctionnement des administrateurs indépendants des sociétés belges cotées en bourse reprises dans le Code Lippens.

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