Les « triple 0 »: une main d’œuvre médicale à protéger

Ils ne sont ni généralistes, ni spécialistes, ni candidats en formation, mais les « 000 » peuvent prester certains actes et prescrire des médicaments, des examens et des traitements. Ils constituent une main d’œuvre, entre autres pour les hôpitaux et les centres médicaux, qu’il convient de protéger.

Pour rappel un médecin « 000 » est une personne titulaire d’un diplôme de médecin, qui peut exercer l’art de guérir, mais n’est pas : un médecin généraliste agréé, un médecin candidat généraliste en formation, un MG avec droits acquis, un médecin spécialiste agréé ou un médecin candidat spécialiste en formation. Ce praticien exerce avec le titre de médecin et signe habituellement un contrat de travail avec un employeur (centre médical, hôpital…) Le « 000 » peut, outre les prestations permises à tout médecin, prescrire des produits pharmaceutiques, des examens de biologie clinique et d’imagerie médicale, des soins infirmiers, des prestations de kiné, des examens anatomo-pathologiques, des examens génétiques et des prestations de bandagisterie. Pour être remboursées, certaines prestations exigent que le médecin « triple 0 » ait le patient en traitement.

Consultations et surveillances  

2.440 médecins ont un code « triple 0 ». Parmi eux, 1.415 ont un diplôme de base belge et 1.025 un diplôme étranger. «D’après les données dont nous disposons, seuls 324 médecins « 000 » ont attesté au moins une prestation durant l’année 2021 », a répondu le Cabinet du ministre de la Santé publique à la députée Frieda Gijbels, qui avait formulé une question parlementaire en avril 2023 pour pouvoir évaluer le nombre et la charge de travail des « triple 0». Le Cabinet, qui ne dispose pas de données détaillées concernant le lieu de travail des « 000 », a pu établir la liste des 10 prestations les plus facturées en 2021 par ces médecins. En tête de la liste, on trouve 62.128 consultations au cabinet par un médecin généraliste sur base des droits acquis (code 101010), 7.569 avis en vue de continuité des soins (code 101135) et 5.653 honoraires de surveillance dans des services hospitaliers (code 599421). 

En réponse à la députée N-VA, voulant savoir pourquoi il y tant de « 000 », le Cabinet précise que “certains médecins n’ont pas été sélectionnés par une université pour une spécialité. Dès lors, ils ne disposent pas d’un agrément pour un titre professionnel particulier et n’ont donc pas accès à un code de compétence de médecin généraliste ou de médecin spécialiste. Toutefois, ces médecins peuvent travailler dans le domaine de la médecine (médecine du sport, médecine scolaire, dans certains cas en médecine générale, médecine hospitalière, etc.) ou non. Néanmoins, avoir un code de compétence « 000 » leur donne accès à une partie de la nomenclature et ils peuvent, s’ils le souhaitent, traiter des patients. Ces médecins peuvent également partir à l’étranger, mais ne nous en informent pas. Nous leur laissons donc un numéro Inami actif.”

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, les « triple 0 » ne sont pas majoritairement des jeunes médecins qui attendent de pouvoir suivre une formation supplémentaire. Selon un rapport de la Cellule planification du SPF Santé publique publié en 2019, si on retrouve de façon majoritaire des « 000 » dans la catégorie des moins de 30 ans, ils sont également bien présents dans les autres tranches d’âges, par exemple, entre 40 et 44 ans.    

Assurer de bonnes conditions de travail

Le Dr Gilbert Bejjani s’est penché sur la problématique des « triple 0 » depuis plusieurs semaines.  Le président de l’ABSyM Bruxelles nous fait part de son inquiétude. «S’il se confirme que les médecins « 000 » sont devenus les nouvelles chevilles ouvrières – peut-être exploitées - de groupements et/ou d’institutions de soins, nous devrons être attentifs à cette problématique.  Auparavant, la fuite en avant face aux problèmes se faisait par une pression accrue sur les heures de travail, la rémunération et le nombre des assistants en formation. Depuis que l’encadrement légal du nombre et du travail des assistants s’est précisé, le risque de dérive est devenu encore plus important envers les « triple 0 », qui faute d’alternatives pourraient, parfois, accepter des conditions de travail pour le moins discutables. »

Il semblerait que le recrutement de ces médecins soit en augmentation dans certaines institutions alors que le nombre de prestations effectuées et facturées en leur nom propre ne serait pas corrélé à leur activité réelle. « Cette dérive, dont l’éventualité d’une facturation au nom d’autres prestataires, sont des matières qui mériteraient d’être examinées de très près par l’administration maintenant que la transparence est devenue de rigueur notamment dans le débat autour des quotas, des médecins étrangers et de la réforme du financement des hôpitaux et de la nomenclature. Ces médecins « triple 0 » doivent aussi être protégés et les règles de tarification et d’accès au métier doivent être respectées», soutient le Dr Gilbert Bejjani.    

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