Crise financière dans les hôpitaux: Philippe Devos et Benoît Hallet demandent une «pax hospitalia»

Un tiers des hôpitaux wallons, membres d’Unessa, sont en déficit. Philippe Devos et Benoît Hallet demandent à Frank Vandenbroucke d’arrêter de réaliser des économies sur le secteur hospitalier afin de permettre aux hôpitaux généraux de se redresser. «Nous ne sommes plus à l’os, nous en sommes déjà à l'amputation! Nous demandons une «pax hospitalia» en attendant les nouvelles réformes promises pour 2025 et 2026.»

60% des hôpitaux bruxellois et 30% des hôpitaux flamands présentent un bilan négatif. Qu'en est-il des hôpitaux wallons?
Benoît Hallet, directeur général adjoint d’Unessa: «Un tiers des hôpitaux généraux wallons, membres d’Unessa, sont en difficulté et présentent un résultat courant négatif. La situation est un peu meilleure dans les hôpitaux psychiatriques. À l’échelle d’Unessa, avant 2022, la proportion d’hôpitaux en déficit était moins élevée; nous n’étions pas à 30 % de nos membres. Il y a eu, l’année passée, une réelle dégradation de la situation financière des hôpitaux.»

Philippe Devos, directeur général d’Unessa: «Depuis la pandémie, les hôpitaux s'attendent à présenter un bilan négatif. Il y a donc un mouvement défensif au sein des institutions de soins pour limiter les déficits. Les gestionnaires ont rationalisé davantage au niveau des coûts. Les hôpitaux qui présentaient auparavant un excédent ont dû réaliser des économies. Avant la pandémie, les hôpitaux économisaient en ne réalisant pas certains investissements et en reportant des projets. Depuis la crise sanitaire, on reporte des investissements, mais on commence aussi à supprimer des prestations. Les hôpitaux arrêtent des activités qui ne sont pas financées par les autorités, comme le poste de coordinateur de soins en oncologie ou des projets qualité en pédiatrie. Cette rationalisation accrue touche les patients; l'offre de soins se dégrade. C'est une tendance qui s'accentue depuis mars 2020, et cette situation va empirer en 2023.»

Benoît Hallet: «Pour être clair, les investissements en matériel et en personnel se dégradent fortement, ce qui engendre inévitablement une perte de qualité des soins. Les bilans ne seront pas meilleurs en 2023. C’est très inquiétant. De nombreux phénomènes, dont le ministre Vandenbroucke ne semble pas vouloir prendre conscience, vont dégrader les résultats. Par exemple, l’inflation qui, en 2022 et 2023, a augmenté les coûts supportés par les hôpitaux et qui n’ont été que très partiellement compensés.»

L'inflation a provoqué une importante augmentation du coût des salaires, de l'énergie, des produits achetés... Le secteur hospitalier regrette l'absence de compensation de cette surcharge par les autorités.

Philippe Devos: «Dans le Budget des Moyens Financiers (BMF), l'indexation des salaires, liée à l'inflation, est compensée avec un peu de retard. Pour les honoraires médicaux, la compensation est très tardive. Or, le salaire du personnel, qui est payé en partie via les honoraires médicaux dont une partie est rétrocédée à l’hôpital, est indexé directement. En outre,  l’augmentation du panier de la ménagère est nettement moins élevée que celle du prix du matériel médical, des petites fournitures, des dispositifs de protection (masques, etc.). Les prix de ces produits ne sont pas revenus à ceux d'avant la pandémie. En raison de la pénurie de certains produits, les hôpitaux doivent dépenser beaucoup plus d'argent pour acheter la même chose, bien plus que la hausse des coûts liée à l'inflation. Frank Vandenbroucke, dans sa tour d’ivoire, ne s'en rend pas du tout compte.»

Benoît Hallet: «Soulignons que, pour pouvoir financer les augmentations salariales du personnel, les hôpitaux doivent emprunter de l'argent aux banques, car ils n'ont pas ou plus de réserves et les honoraires des médecins sont indexés tardivement. En période d'inflation, les taux d'intérêt augmentent fortement. Dans le système de financement actuel, on met les hôpitaux en difficulté et on enrichit le secteur bancaire. C’est ironique de la part d’un ministre socialiste ! De plus, le coût des emprunts n'est pas pris en charge par l'État. Idem pour les rattrapages budgétaires qui sont évalués à 200 millions d'euros par an et à un milliard si on cumule tous les montants. Actuellement, les hôpitaux attendent encore les montants de rattrapage de 2015. Ils sont donc obligés d'emprunter de l'argent aux banques pour compenser le retard de paiement de la part des autorités fédérales.»

Philippe Devos: «Nous demandons au ministre de la Santé publique d’arrêter de réaliser des économies sur le secteur hospitalier le temps de mettre en place les réformes du financement des hôpitaux et de la nomenclature. À ce moment-là, les gestionnaires sauront quelles activités médicales le ministre souhaite financer ou non. Et s'il choisit de ne plus financer certaines prestations, il devra assumer politiquement son choix de ne plus prendre en charge certains patients. Actuellement, gestionnaires et médecins, qui sont dans le même bateau, doivent réfléchir aux économies qu'ils doivent réaliser. Nous ne sommes plus à l’os, nous en sommes déjà à l'amputation! Nous demandons une «pax hospitalia» en attendant les nouvelles réformes promises pour 2025 et 2026.»

Benoît Hallet: «Depuis des années, des économies sont réalisées par les autorités et les organismes assureurs sur les services médicaux qui réalisent des marges budgétaires. Ils oublient que ces petites marges permettent de compenser les pertes réalisées dans d'autres services médicaux.»

Philippe Devos: «J'entend des chefs de services médicaux exprimer leur colère face au retrait de personnel, et des directeurs d'hôpitaux qui se trouvent dans l'incapacité d'embaucher des employés pour des postes vacants. On atteint la limite éthique acceptable pour le secteur.»

Benoît Hallet: «Cette situation alimente le sentiment de perte de sens. Les infirmières, par exemple, souhaitent exercer dans des conditions leur permettant de travailler convenablement. Il sera nécessaire de déployer une énergie colossale pour sortir de la morosité qui s’est installée dans le secteur hospitalier.»

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Derniers commentaires

  • Frédéric BOSSART

    23 octobre 2023

    Je ne peux pas respecter un tel ministre lorsque l’on connaît ses antécédents : rappelez-vous en mars 95 l’argent sale lie a l’affaire Agustapour lequel il a demandé de brûler l’argent pour finir c’est retrouvé dans une société proche du parti socialiste. Il a reconnu les faits et ensuite démissionner. Et maintenant il donne des ordres d’économie aux hôpitaux. C’est honteux !!!! Mais les gens ont la mémoire courte…