Beaucoup de tristesse et une pointe de surprise  (Dr Ph.Devos - UNESSA)

Il semble bien loin le temps de l’analyse critique, de la nuance et de la parcimonie. Certains semblent avoir basculé dans le monde du « tous pourris » où l’on place tous les acteurs d’un secteur dans le même sac, où l’on mélange vérités et inexactitudes, où l’on manipule les discours populistes et les clichés, où l’on plonge dans la « trumpisation » alors qu’un vrai débat de qualité mériterait de s’engager. 

Je suis triste de lire qu’un confrère croit que toutes les directions hospitalières financent « sans discernement » des coûts structurels absurdes. Mon confrère connait-ils les lois et normes sectorielles (trop) massives d’un secteur (trop) régulé ? Mon confrère est-il conscient que les 200 sites hospitaliers que comptent notre pays ne sont pas tous gérés par le même être surpuissant de l’ombre qu’il imagine ?  

Je suis triste de lire que pour lui, tous les conseils d’administrations sont gangrénés par des politiciens avides de rémunérations astronomiques alors que dans plus de la moitié des hôpitaux de ce pays, ces mandats sont exercés bénévolement par des représentants de la société civile apolitiques dont des confrères.  

Je suis triste pour lui qui, pour le reste de sa carrière va devoir coopérer - voire travailler - au sein d’organisations qu’il estime aussi incompétentes. Nos soins de santé de deuxième ligne étant dans le top 5 des meilleurs pays de l’OCDE, il ne pourra même pas émigrer pour aller chercher la « bonne » gestion ailleurs…  

Je suis triste de lire qu’il estime que les associations faîtières sont orientées vers la défense d’intérêts éloignés des missions de soins, alors que la protection du patient et l’amélioration des soins à lui apporter sont au cœur de la mission des dites associations. Je constate d’ailleurs, à regret, que dans son pamphlet, les termes « patient » ou encore « apprentissage du métier » sont absents.  

Je suis surpris de lire que mon confrère conclut qu’il serait temps de lancer une « bonne réforme » alors que fédérations hospitalières, syndicats médicaux, administrations publiques, organismes assureurs et scientifiques s’y sont lancés depuis quelques années et que cette réforme avance bon train, soutenue par l’ensemble du secteur.  

Je suis étonné de lire que la DEMEFF estime que le ministre Vandenbroucke et son administration n’évaluent pas l’impact du financement sur le résultat des missions des hôpitaux, alors que ce défi est un objectif prioritaire de l’Etat. A travers le monde, il fait d’ailleurs l’objet de centaines de publications scientifiques expliquant toute la complexité de la tâche. En particulier, quand le financement, qu’il soit médical ou hospitalier, est basé sur le volume plutôt que sur la qualité. J’imagine que le message sous-jacent de mon confrère est que la DEMEFF défend un paiement lié à la qualité des prestations des médecins plutôt qu’à l’acte ou qu’au salariat.   

Je suis, enfin, surtout triste pour tous les médecins en formation du pays. En effet, il reste du travail pour réussir le défi d’équilibriste qui est de leur offrir des conditions de travail proches de celles d’un médecin spécialiste diplômé, en leur offrant une qualité de formation optimale (évitant de devoir allonger leurs années d’études), tout en garantissant la qualité des soins donnés et en dégageant des moyens financiers pour assurer ces missions. Il faudra également s’efforcer de rester équitable avec les autres professionnels de santé (en formation) à l’hôpital et en dehors (médecins généralistes en formation, par exemple) ce qui ajoute une couche de complexité indispensable au respect de l’équité.  

En rédigeant un tel pamphlet, la DEMEFF a certainement réussi une chose : crisper un certain nombre de partenaires ce qui, en négociation, ne permet jamais d’accélérer l’atteinte d’un objectif. C’est bien triste pour tous mes confrères en formation qui méritent une autre défense.  

Lire aussi: Hôpitaux sous influence: le temps du courage politique (Dr. Sami Barrit, Co-président DeMeFF)

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