"Entretien avec un cadavre": dans les coulisses de la médecine légale avec le Dr Boxho

Avec son nouveau livre “Entretien avec un cadavre” le Dr Boxho rouvre 17 affaires judiciaires anciennes et entraîne les lecteurs dans les coulisses de la médecine légale à la rencontre d’assassins pas toujours malins. Un regard acéré sur notre société.

Dans "Entretien avec un cadavre", la réalité dépasse la fiction. Plusieurs récits semblent avoir été écrits par un romancier débordant d’imagination. Ce n’est pas le cas. Philippe Boxo est simplement descendu à la cave dans ses archives et a prélevé une quinzaine de meurtres anciens. «La plupart de ces histoires datent d’il y a plus de 20 ans. Tout est vrai sur le plan médico-légal. Je m’en souvenais relativement bien. J’ai anonymisé les noms et romancé certains épisodes.»  L’histoire de Philippe, mort brutalement lors d’une promenade dans les bois, risque de marquer durablement les esprits.   

Au fil des histoires, on apprend que le médecin légiste travaille en étroite collaboration avec les magistrats, les policiers, les experts en balistique ; que les affaires sont rarement résolues uniquement grâce à la médecine légale, contrairement à ce que donnent à croire les séries télévisées, des Experts à Balthazar ; que les médecins légistes ne sont pas des asociaux, retranchés dans leur institut ; que les gants ménagers sont bien plus solides et pratiques que les gants chirurgicaux pour manipuler un cadavre…

Sens de la formule 

Le Dr Boxho manie aussi bien la plume que son bistouri. Le légiste a le sens de la formule : «La plupart des toxicomanes finissent sur ma table d’autopsie. J’avoue que quand je les croise en ville, cela me fait quelque chose de penser que je les reverrai un jour, alors qu’eux ne me verront plus » ou « les gens étaient plus libres lorsque les téléphones étaient accrochés.» Ses dialogues sont ciselés. Chaque récit - écrit en une journée de travail - contient des rebondissements. L’auteur n’hésite pas à critiquer les travers de la société, par exemple, les hommes politiques liégeois qui ont laissé les promoteurs détruire la place Saint-Lambert et les touristes qui ne respectent pas les réserves naturelles. «Les meurtres et la façon de tuer les gens sont un reflet de la société. Dans mon livre, je ne parle pas des crimes «gratuits», seulement ceux qui se produisent communément. J’évoque ce qui fait la vie des gens et leur mort », confie le légiste. La cupidité, le « cul et les écus », la jalousie, la misère, la bêtise… autant de motifs qui animent les meurtriers dépeints par Philippe Boxho.

A la lecture des enjeux - 50 euros à récupérer par un héroïnomane ou la pension d’un retraité -, on peut s’inquiéter de la valeur que certains attribuent à une vie. «Certains contemporains sont comme cela et se retrouvent dans des situations inouïes. Je n’ai aucune imagination pour écrire. Ce que je raconte dans mon livre est la réalité, un peu romancée. Je ne cherche pas être sensationnel, mais agréable à lire. Si en plus, je peux mieux faire découvrir au grand public la médecine légale que ce qui est présenté dans les séries américaines. Dans la réalité, ce sont les enquêteurs policiers qui permettent de résoudre les enquêtes. En trente ans, je n’ai connu que quelques affaires qui ont été résolues grâce aux microtraces relevées par les techniciens.»

Après la diffusion de podcasts relatant son travail de médecin légiste sur la RTBF, Philippe Boxho a voulu relever le pari de savoir s’il pouvait écrire un livre qui serait apprécié par le grand public. Son premier livre, "Les morts ont la parole", s’est vendu à près de 10.000 exemplaires. Un carton dans le monde de l’édition belge. On lui souhaite le même succès avec "Entretien avec un cadavre".                       

Des experts mal payés

La médecine légale fascine, mais la relève ne se bouscule pas au portillon. «J’ai trois candidats par an qui viennent frapper à la porte de mon institut », explique le directeur de l’institut médico-légal de Liège. « De nombreux médecins belges qui n’ont pas eu l’occasion d’effectuer leur formation (de 5 ans) en Belgique la font à l’Université de Lausanne. Le problème, c’est après. Il faut avoir assez de boulot en médecine légale et rester ensuite associé à une université. Quand j’engage quelqu’un, c’est pour qu’il reste à l’IMC. Ceux que j’ai formés sont tous partis parce qu’en Belgique le médecin légiste doit faire régulièrement des gardes et est très mal payé. C’est même la seule spécialité à laquelle on permet d’exercer une autre spécialité pour qu’elle puisse vivre de son travail. La plupart des légistes font de l’anatomopathologie ou de la médecine d’expertise. C’est la profession médico-légale la plus mal payée.»       

Entretien avec un cadavre, Kennes Editions, 19,90 €, ISBN: 9782380759051      

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