Y a-t-il trop d’anesthésistes en formation ? : non !

Les longues files d’attente dans certaines disciplines médicales contrastent avec un excès de spécialistes dans d’autres. En anesthésie-réanimation, le Pr Devroey (VUB) déplore un manque d’anesthésistes, tandis que le Dr Van Baelen (VASO) parle d’un excès en formation. Pour la BSAR-APSAR, ce dernier jugement manque de fondement.

La presse se fait actuellement l'écho des longs délais d'attente dans certaines disciplines médicales, d'une part, et de l'offre excédentaire de spécialistes diplômés dans certaines disciplines, d'autre part. L’anesthésie-réanimation est également évoquée dans ce contexte.
D'une part, le professeur Devroey, médecin généraliste à la VUB, déclare dans « VRT NWS » qu'il y a trop peu d'anesthésistes pour faire tourner des salles d'opération supplémentaires. D'autre part, le collègue Van Baelen, président de la VASO, déclare dans « Knack » qu'il y a trop d'anesthésistes en formation.
Selon l'association professionnelle d’anesthésie-réanimation APSAR-BSAR, la plus grande association professionnelle médico-spécialisée de Belgique avec 1 200 membres affiliés, cette dernière affirmation n'est pas tout à fait fondée, de par une connaissance partielle du dossier.
Le journal « De Tijd » du 12 avril 2019 faisait déjà état d'une offre excédentaire d'anesthésistes, les candidats ne trouvant pas de place dans un hôpital après leur formation. C’était un signal pour la BSAR-APSAR de lancer une enquête dans tous les services d'anesthésie du pays. Tous les services de soins intensifs, d'urgence et d'algologie employant des anesthésistes ont été interrogés.
Les résultats de cette enquête ont été surprenants : il s'est en effet avéré qu'il y avait beaucoup plus d'assistants en anesthésie qu'il n'y aurait de postes vacants dans les cinq années à venir.

Malgré ces résultats, les années suivantes ont montré dans la pratique que cette offre excédentaire ne se produisait pas, qu'il y aurait même une pénurie avec le quota proposé, ce qui a été confirmé par une nouvelle enquête en 2023, avec des taux de réponse très élevés en Flandre et un taux de réponse légèrement inférieur du côté francophone.
Alors pourquoi les résultats de la première enquête ont-ils montré une telle sous-estimation des besoins ?
Plusieurs facteurs sont à l'origine de cette évolution, dont l'un des principaux est la « double cohorte ».

En effet, les études de médecine ont été réformées sous la pression de l'Europe, avec une réduction de 7 à 6 ans, ce qui s’est traduit par deux années d'obtention du diplôme en 2018, à savoir la dernière année où la formation a duré 7 ans, et la première année où la formation n'a duré que 6 ans. À la demande des universités, un grand nombre d’endroits de stage ont été créés, même dans les plus petits hôpitaux. Ces stages ont été rapidement, et sans trop de sélection, approuvés par le Conseil supérieur des médecins spécialistes et généralistes. En effet, il y avait une double offre d'étudiants diplômés en médecine pour lesquels il fallait créer une place de formation. Cette situation a eu pour effet funeste d'éliminer des postes vacants pour des anesthésistes diplômés, les services étant peuplés d'un plus grand nombre d'assistants en anesthésie.
Se pourrait-il que cette double cohorte, qui expire en 2024 dans les disciplines chirurgicales, soit la cause d’un manque de postes disponibles sur le marché ?

En effet, la plupart des formations chirurgicales ont une durée de six ans, ce qui signifie qu'à la fin de 2024, il y aura sur le marché deux fois plus de spécialistes nouvellement diplômés dans les disciplines chirurgicales.
En outre, il y avait d'autres raisons pour lesquelles le nombre futur de postes vacants dans presque tous les services était largement sous-estimé. À l'époque, le pays suffoquait sous l'effet de la pandémie de COVID, ce qui entraînait une grande incertitude quant à l'avenir. En plus, c'était la période de la mise en réseau des hôpitaux, sous l'impulsion de l'administration De Block, ce qui rendait la vision de l'avenir très floue. Par ailleurs, de nombreux collègues (marqués par la pandémie de COVID, le stress et la charge de travail élevée avec une faible appréciation ?) ont senti le besoin de consacrer plus de place à leur vie de famille, et ont donc opté pour une réduction d’activité.

En conséquence, les jeunes générations optent de plus en plus pour un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée, qu'ils aient ou non une famille, ce qui entraîne un nombre important de postes vacants.

Ce dernier point est d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles il y a actuellement trop peu de médecins généralistes. Aucun jeune généraliste ne veut encore travailler le même nombre d'heures que ses confrères plus âgés, et nous ne pouvons pas leur donner tort ! Le fait que les collègues plus âgés courent un risque accru d'abandon pour cause de maladie ou de décès n'a pas non plus été pris en compte lors de la réalisation de cette enquête initiale.

De plus, sous la pression des règles dites de « sécurité d'abord » de l'anesthésie et de l'actuelle loi sur la qualité, il est devenu juridiquement quasi impossible de poursuivre des pratiques obscures où des spécialistes d'autres disciplines, sans la formation (l'anesthésie a une formation de cinq ans) ni la supervision nécessaires, effectuent des sédations profondes et même des anesthésies de manière indépendante.
Les résultats de cette deuxième enquête ont d'ailleurs été confirmés lors du congrès BSAR-APSAR du 18 mars 2023 par le professeur Brigitte Velkeniers, présidente de la Commission fédérale du Plan, qui a déclaré que l'anesthésie serait en pénurie de personnel dans un avenir proche avec le quota en place.
Une récente étude de l’INAMI dirigée par P. Meeus montre également que le nombre de personnes de plus de 55 ans travaillant comme anesthésistes en Flandre est en nette augmentation par rapport à celui des personnes de moins de 55 ans. En outre, les collègues francophones signalent actuellement un afflux croissant de collègues de pays de l'EEE (Espace économique européen) et de pays non membres de l'EEE. Du côté flamand, nous constatons également que les postes vacants hautement spécialisés tels que les urgences, l'algologie ou les soins intensifs ne sont pas pourvus et que les collègues sont « arrachés » à d'autres hôpitaux flamands, ce qui ne fait que déplacer le problème.

À quoi ressemble l'avenir ?
Plusieurs facteurs font que de plus en plus d'anesthésistes seront nécessaires pour accompagner les patients dans toutes sortes de procédures interventionnelles de manière sûre, appropriée et confortable. En tout état de cause, le vieillissement de la population, avec des limites d'âge de plus en plus repoussées pour certaines interventions (par exemple les greffes), est un facteur important. En outre, les options chirurgicales et interventionnelles ont connu une évolution rapide et fulgurante, les nouvelles techniques étant de plus en plus à même de traiter certaines affections telles que les métastases cancéreuses, les anomalies cardiaques et bien d'autres. Les techniques d'intervention radiologique permettent également de traiter des cas qu’il était auparavant impossible de traiter, comme la thrombectomie intracrânienne en cas d'accident vasculaire cérébral.

La loi sur la qualité et les exigences des patients en matière de confort et de sécurité lors de ces interventions ne feront qu'accroître le nombre d'anesthésistes nécessaires.
En marge de tout cela, il convient de noter qu'une augmentation du nombre d'anesthésistes ne peut en aucun cas conduire à une surconsommation d'anesthésie : en effet, il n'y a pas d'anesthésie sans intervention, et deux anesthésies pour une intervention sont impossibles.
En conclusion, nous osons dire que le nombre d’assistants en anesthésie est actuellement insuffisant et nous demandons avec insistance que ce nombre soit non seulement maintenu, mais augmenté dans un cadre dynamique dans un avenir proche.

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