Planification, formation, universités, … « C’est perfectible mais on progresse » (Valérie Glatigny)

Cela bouillonne dans le monde médical depuis pas mal de temps : formation, planification, financement et autres problèmes. Dans une interview exclusive la ministre de l’Enseignement supérieur et des hôpitaux universitaires en Fédération Wallonie-Bruxelles, Valérie Glatigny fait le point pour nous sur quelques-uns de ces aspects et rappelle que le coût de la formation des médecins est parmi les plus coûteuses , de l’ordre de 12.000 euros par an.

On a beaucoup parlé ces derniers temps des nouvelles formations à Mons et à Namur. Quels sont les derniers développements ?

Les décisions ont été prises. J’avais des réserves par rapport à cette initiative dans la mesure où elle ne permettra pas de diplômer un seul médecin de plus puisqu’il s‘agit, même si on peut le regretter, d'une profession contingentée par les quotas INAMI. Des conditions strictes ont été imposées pour l’ouverture du Master en médecine à Mons. Les étudiants qui se lanceront dans le cursus seront financés au même niveau que les étudiants en Master de médecine dans les trois universités qui le proposent déjà (UCLouvain, ULiège, ULB). Il était en effet important de garantir un principe d’équité, et de ne pas définancer, dans un contexte d’enveloppe fermée, l’encadrement des autres étudiants francophones.  Mons aura comme hôpital de référence l’hôpital Erasme de l’ULB, et toute demande de reconnaissance d’hôpital universitaire par l’UMons entrainera la fin du Master en médecine. Enfin, une étude sera par ailleurs menée pour évaluer l’impact des masters nouvellement proposés, et des mesures seront proposées pour lutter contre la pénurie. 

Face à la pénurie de médecins, comptez-vous négocier avec le Fédéral une augmentation des quotas INAMI ?

Nous avons obtenu, dans le cadre d’un accord historique avec le Fédéral, que le nombre de numéros INAMI soit revu et calqué sur les besoins réels de terrain de la partie francophone du pays. Cela permettra de proposer une offre médicale adaptée, et d’éviter les éternelles querelles politiques qui étaient devenues une triste tradition politique annuelle. 

Pour les étudiants qui sortiront en 2028, nous passerons donc de 505 à 744 numéros INAMI. Tous les étudiants actuellement dans le cursus ont aussi la garantie de disposer d’un numéro INAMI à la sortie. C’est une véritable avancée, et je serai évidemment attentive à ce que le nombre de numéros INAMI attribués à la Communauté française pour les années suivantes le soit toujours sur la base de besoins objectivés. 

En ce qui concerne la médecine générale, c’est par le biais de sous-quotas que la Fédération Wallonie-Bruxelles peut agir, grâce au travail de la Commission de planification de la FW-B que j’ai mise sur pied. A cet égard, 43% minimum des étudiants qui finissent leur Master en médecine cette année devront s’orienter vers une spécialisation en médecine générale - avec un nombre absolu minimum de 306 étudiants. 

Cette décision se base donc sur un avis de la Commission consultative de planification de l'offre médicale en Fédération Wallonie-Bruxelles qui a pris en compte l’importance de renforcer les soins de première ligne via la médecine générale. L’avis se fonde également sur les sous-quotas indicatifs de la Commission de planification de l’offre médicale fédérale, qui avait estimé les besoins en médecine générale pour 2023 à 266 étudiants. 

Le concours d’entrée est en place. Vous aviez promis une évaluation préalable des besoins, notamment en termes d’ETP. Cela a-t-il été fait ?

Oui et cela a été l’une des clés de voute de l’accord que j’ai détaillé juste avant. La nouveauté, c’est qu’en croisant les données de la Banque Carrefour et celles de l’INAMI, nous pouvons calculer avec plus de précision le nombre d’ETP dont on a besoin. De là nous pouvons déduire le nombre des numéros INAMI qui seront nécessaires, en tenant compte aussi d’un taux de déperdition. 

Nous allons mettre en adéquation le nombre d’étudiants à admettre à l’entrée et le nombre de numéros INAMI disponibles à la sortie. Tous les diplômés auront ainsi la certitude d’obtenir un numéro et de pouvoir exercer leur métier. 

En tant que ministre de l’Enseignement supérieur, quelle solution comptez-vous apporter à la pénurie de médecins ? 

Nous apportons de la prévisibilité dans le nombre de diplômés, d’une part, ainsi que la garantie que ceux-ci seront dirigés vers les spécialités en pénurie, d’autre part. 

Dans le passé, il y a eu des années ou trop peu d’étudiants ont été admis. En 2017 par exemple, seulement six cents environ ont entamé leurs études de médecine en Fédération Wallonie-Bruxelles, alors que plus récemment ils étaient 1.000 à 1.200 par an. Le concours, dont la première édition se tiendra en août 2023 - permettra en effet de garantir un nombre d’entrants correspondant au nombre de numéros INAMI disponibles – calqués, je le répète, sur une objectivation des besoins de terrain. Ce nombre d’entrants sera défini très prochainement.  

Il est également crucial qu’un nombre suffisant de diplômés se dirigent vers des spécialités en pénurie. Des sous-quotas ont d’ores et déjà été définis pour cette année. 43% minimum des étudiants qui finissent leur Master en médecine cette année devront s’orienter vers une spécialisation en médecine générale - avec un nombre absolu minimum de 306 étudiants. Comme je l’ai évoqué, nous allons demander si ce nombre ne doit pas être augmenté. 

Nouveauté également cette année : des sous-quotas sont également définis dans d’autres spécialités. Ainsi, 15 étudiants minimum devront s’orienter vers la gériatrie, 6 vers la biologie clinique et 5 étudiants vers l’anatomopathologie.

Combien coûte la formation d’un médecin ? 

La formation des médecins est parmi les plus coûteuses -de l’ordre de 12.000 euros par an. À titre de comparaison, un étudiant en sciences humaines coûte environ 4.600 euros par an. 

Les hôpitaux universitaires sont en perpétuel déficit, plus encore depuis la crise de la COVID. Leur financement va-t-il s’adapter à cette situation ?

Le financement du fonctionnement des hôpitaux universitaires dépend, comme pour tous les hôpitaux, de l’état fédéral (Budget des moyens financiers – BMF, Honoraires, produits pharmaceutiques). Ce n’est donc pas une responsabilité des Communautés. La Communauté française, à la suite de la sixième réforme de l’Etat assure en revanche le financement des infrastructures et des équipements lourds. Elle le fait via le prix d’hébergement. Le montant global pour les quatre hôpitaux universitaires en Communauté française est environ de 12 millions d’euros par an. Au moment du Covid, un supplément exceptionnel d’environ 7 millions pour les quatre hôpitaux a été consacré à l’adaptation de leurs infrastructures et des équipements. 

Avez-vous un projet qu’il vous tient particulièrement à cœur de mener à bien avant la fin de la législature ?

Je souhaiterais lancer une réflexion sur la mobilité internationale des étudiants. Nos étudiants, y compris nos futurs médecins, ne sont pas très mobiles, alors que ceux d’autres pays se déplacent nettement plus. Une piste serait d’inciter nos étudiants à davantage de mobilité en revoyant le mode de financement de l’enseignement supérieur, et en envisageant de faire contribuer davantage les étudiants non-résidents. Mais il s’agit d’une réflexion à long terme et qui doit respecter les règlementations européennes. Il est toutefois peu probable que ce travail d’envergure aboutisse avant la fin de la législature, mais je me montrerai volontariste pour esquisser des pistes sur le sujet. 

Lire aussi: Comment la ministre Glatigny veut intégrer le numérique dans la formation des médecins ?

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