Alda Greoli: «Il y a clairement aujourd'hui des médecins qui sont surpayés»

Honoraires, contingentement, pénurie, réseaux hospitaliers, e-santé… Dans une interview exclusive, Alda Greoli, ministre wallonne de la Santé, tacle la politique fédérale de la santé. Elle accuse Maggie De Block de manquer de courage politique.

Au cours de cette législature, les visions de la politique de la santé de Maggie De Block et d’Alda Greoli n’auront pu être réconciliées. Même si la seconde gouverne en Wallonie avec le MR, elle ne cache pas son incompréhension de la politique menée par cette ancienne médecin VLD.

Honoraires: des médecins surpayés
Pour Alda Greoli, Maggie De Block «est responsable de la non gestion de la répartition des honoraires des médecins dans les hôpitaux. Il y a clairement aujourd’hui des fonctions médicales qui sont surpayées par rapport à d’autres et qui plombent les hôpitaux».

Pour elle, aujourd’hui, «les honoraires participent à 30% du financement des hôpitaux et certains médecins sont en mesure d’imposer des choix aux hôpitaux de part leur poids dans l’institution». Elle en veut à Maggie De Block de ne pas soutenir tous les médecins: «Pendant ce temps-là, des médecins comme les gériatres, les pédiatres, les fonctions de médecins internes qui ont justement une vue à 360° du patient et des soins, n’ont pas un salaire à la juste mesure de leur travail. Dans ce dossier, De Block ne pense pas à l’objectif commun, surtout que c’est un dossier où, si elle intervenait, elle aurait plus de médecins avec elle que contre elle». Elle compare ce dossier à un autre qu’elle a dû gérer: «Cela ne lui demande qu’un peu de courage politique comme j’en ai eu dans la politique culturelle du côté francophone où je ne me suis pas fait que des amis non plus mais où j’ai posé des choix. Elle ne fait rien».

Numerus clausus et contingentement: un message négatif
Lorsqu’on lui demande si elle n’est pas lassée par ce combat sur le numerus clausus et, finalement, si ce ne sera pas plus simple de prendre pleinement la compétence du côté francophone, elle se cabre: «Il n’est pas question que je mette le pied dans la porte. On ne peut pas détricoter plus les soins de santé! En tout cas, ce n’est pas ma volonté».

Alda Greoli déplore le signal envoyé aux actuels étudiants en médecine. «Ces études sont déjà difficiles et suffisamment source de stress et de concurrence entre les étudiants que pour encore une fois ajouter à ce climat une annonce qui ne repose sur aucune vision sérieuse des politiques de santé. Maggie De Block doit arrêter de travailler sans coordination et concertation avec les autres niveaux de pouvoir responsables ni le corps médical, les universités ou encore les organisations représentatives des étudiants.»

Elle entend demander l’inscription de ce point au prochain comité de concertation. A propos des études de médecine et l’attestation de contingentement, elle se veut très claire: «A partir du moment où nous avons un examen, il faut le fixer avant l’entrée sans quoi une augmentation de la concurrence entre les facultés sera constatée. Par ailleurs, dans un métier où la capacité des médecins sera plus que jamais de se mettre en réseaux, en équipe et de travailler ensemble dans les métiers de la santé, il ne faut pas augmenter la concurrence lors de la formation».

Pénurie: 144 communes en manque de médecins
«La ministre fédérale de la Santé doit vraiment mieux prendre en compte les besoins de l’ensemble de la population.» Pour Alda Greoli, les chiffres sont incontestables. D’après le dernier cadastre en date, on sait qu’environ une trentaine de généralistes de moins de 30 ans s’installent chaque année en Wallonie et que 144 communes wallonnes sont en pénurie de médecins généralistes, selon les derniers chiffres de l’AVIQ: soit une augmentation constante (119 lors du dernier cadastre 2016). «Cela ne suffira pas à combler les départs à la retraite. Un ensemble de mesures ont déjà été prises au niveau wallon avec les primes à l’installation dans des zones de pénurie (Impulseo) ou le soutien aux travaux de rénovation de cabinets médicaux via le fonds européen FEADER.»

e-santé: où est l’éthique?
En matière d’e-santé, elle souhaite améliorer le transfert électronique de données, sur base des plates-formes existantes (Réseau Santé Wallon, eHealth…). Ce 28 novembre s’est tenu le premier Comité de Gouvernance e-Santé Digital Wallonia. «C’est là l’acte fondateur d’une gouvernance dédiée à l’e-santé telle que souhaitée par le Cabinet.» Par contre, elle s’inquiète au niveau éthique: «Cela m’affole que l’on ne se pose pas les questions éthiques depuis le début du développement de ces technologies d’e-santé. Cette réflexion devrait avoir lieu au niveau européen, voire fédéral. Qui sera responsable en cas de panne d’électricité notamment?» Enfin, la première réunion du Comité consultatif du projet big data «INAH» (Institute of Analytics for Health) aura lieu le 11 décembre prochain.

Lire aussi :

> Alda Greoli : "Il n'y aura pas de faillite des hôpitaux en Wallonie"

Le salaire des médecins hospitaliers fait la Une du Morgen

Le débat se poursuit sur @LeSpecialiste

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Derniers commentaires

  • Saeid OLAMAZADEH

    03 décembre 2018

    Je ne pense pas que la nomenclature de la chirurgie soit à la hauteur des risques prises par le prestataire.
    Une prothèse totale du genou, 2 heures d'intervention + une heure passer auprès de la patiente durant son hospitalisation est rémunéré à ± 600 €.
    L'hôpital prélève la moitié, ne reste que 300 €.
    Sur le restant l'autre moitié est prélevé pour la sécurité sociale et les impôts.
    Donc tarif horaire nette n'est que de 50 €.
    La médecine en tant que métier n'est pas rentable, Nous les médecins nous avons la vie des patients en main et la vie n'a pas de prix, en effet "n'a pas de prix" est considéré comme ZERO aux yeux des politiques, donc les médecins ne font rien et rien est déjà trop !
    Je veux bien être salarié et avoir une pension de salarié qui va avec à l'inverse des politiciens qui ne font rien et exigent beaucoup !
    Les politiciens doivent justifier leur salaires, de temps en temps ils lancent une bonne fausse idée.

  • Jacques MAIRESSE

    02 décembre 2018

    Madame Greoli a raison , les différences salariales entre les spécialités sont scandaleuses, certains rares hôpitaux ont su régler le problème.
    La politique des réseaux voulue par De Block doit être corrigée.
    Il serait temps que les politiciens et les organisations professionnelles règlent les problèmes de dichotomie entre les laboratoires privés ( multinationales) et certains médecins, problèmes identiques à celui sur des implants révélés récemment... on attend de l’action!

  • Marc LEON

    01 décembre 2018

    Rappel pour tous: Le Dr.C.Fonck est néphrologue..?

  • Jean-Paul Joris

    01 décembre 2018

    La tableau montre surtout que la charge de travail est beaucoup plus élevée par praticien en Flandre et confirme derechef la pléthore de médecins francophones et wallons. Et par ailleurs que la gestion des hôpitaux est infiniment meilleure en Flandre ( ce qu’on savait déjà au vu des données financières Maha )
    Par ailleurs en ce qui concerne la déclaration d’Alda Greoli , il faut qu’elle pousse son raisonnement jusqu’au bout et que les francophones respectent enfin la Loi commune qu’ils bafouent depuis 20 ans par rapport aux quotas..etc : il faut donc un concours d’entrée en médecins comme en Flandre et pas un examen...