Hôpitaux: «Ne pas mettre la qualité de côté en période de crise» (Denis Herbaux)

Crise énergétique, pénurie de personnel, réforme de la nomenclature, exigence permanente de la qualité, le secteur hospitalier subit une pression forte ces derniers mois. Alors qu’en Flandre, les acteurs remettent en question le système des accréditations venant de l’étranger, que se passe-t-il du côté francophone ? Denis Herbaux, CEO de la PAQS, fait le point sur les dossiers .

« Aujourd’hui, il y a la volonté d’un certain nombre d’hôpitaux en Flandre d’arrêter l’accréditation et d’évoluer vers un autre outil, « fait maison ». La KULeuven a lancé cette remise en question de l’accréditation, en développant et en mettant en œuvre un modèle  propre  : FlaQuM – Flanders Quality Model. Ce modèle qualité flamand est en cours d’implémentation dans une vingtaine d’hôpitaux en Flandre. Mais, à ma connaissance, il n’a toutefois pas pour vocation de devenir une démarche d’accréditation.»

Pas seulement l’accréditation

Il rappelle que « la PAQS n’a jamais défendu l’accréditation comme étant le seul modèle. On a toujours dit que l’accréditation était un outil avec des avantages et des limitations. On défend surtout une vision de la culture qualité à long terme. Il faut travailler à développer cette culture qui fait que chacun, au jour le jour, se demande comment il peut améliorer son travail, et que des actions peuvent être mises en œuvre à tous les niveaux grâce à des compétences acquises en amélioration continue et à une culture organisationnelle qui le permet. C’est un travail de longue haleine. L’accréditation facilite la mise en place des éléments fondateurs de cette culture, mais elle n’est pas suffisante. C’est en tout cas la vision que nous défendons, et le travail que nous entendons mener dans les prochaines années.»
Faire des choix au bon moment
Cette lame de fond interpelle les francophones évidemment : « Nous avons des discussions sur l’opportunité ou pas de poursuivre les démarches d’accréditation ou d’arrêter et d’aller vers autre chose. De son côté, le FLAQUM se veut être un cadre de travail qui va permettre une démarche beaucoup plus « Bottum Up » que ne le fait l’accréditation. C’est une bonne chose. Mais selon nous, il convient d’abord qu’une série de fondamentaux soit en place pour pouvoir porter ce genre de démarche, comme le Danemark l’a fait avec au moins deux cycles d’accréditation internationale avant d’évoluer vers des programmes qualités bien plus ambitieux. Il ne faut pas oublier que la KULeuven a fait plusieurs cycles d’accréditation avec la JCI avant de lancer les réflexions sur ce qu’allait devenir le FlaQuM. Il faut veiller à ne pas courir avant de savoir marcher. Les hôpitaux doivent prendre conscience de cela. " 
Actuellement, tant à Bruxelles qu’en Wallonie, il y a des réflexions par rapport à des normes de qualité. « A Bruxelles, des réflexions sont menées sur des normes complémentaires pour le secteur hospitalier qui porteraient sur différents éléments dont la qualité. Au niveau wallon aussi, les choses avancent. Des réflexions sont en cours sur la mise en œuvre des principales recommandations du Livre Mauve que la PAQS avait produit et qui a pour objectif de développer la culture qualité/sécurité. Pour rappel, la déclaration de politique régionale wallonne formulait un engagement clair en la matière. »
Les réformes en cours
La PAQS est-elle un acteur dans les réformes en cours comme celle de la nomenclature ?« Nous ne sommes pas directement impliqués dans la réforme de la nomenclature. La PAQS n’est pas un organisme politique. Par contre, nous pouvons apporter un regard scientifique sur l’amélioration continue dans des discussions politiques : quelles sont les bonnes pratiques, comment les mettre en oeuvre.... »

La qualité des soins de santé ne doit pas évidemment s’arrêter aux murs de l’hôpital. Tant la pratique extrahospitalière que celle des généralistes sont concernées : « Au niveau de la pratique extrahospitalière, il existe beaucoup d’outils dans d’autres pays par rapport à cette problématique. Dans le futur, on pourrait proposer un soutien à ce type de pratique pour renforcer la qualité de l’ensemble du système de santé. »

Les généralistes aussi ?
Une réflexion qui est aussi de mise pour les maisons médicales ou les cabinets de généraliste ? « Certaines maisons médicales ont participé à des activités chez nous et nous avons eu des contacts avec différentes organisations, comme le GBO et l’ABSYM, mais également avec des structures d’aides et de soins à domicile. A terme, ce serait une bonne idée d’élargir notre champ d’action. Nous en avons discuté au sein du conseil d’administration de la PAQS. La conclusion est que, pour le moment, nous restons concentrés sur nos secteurs historiques, à savoir les hôpitaux et les maisons de repos, car il y a encore beaucoup de travail à y faire. Mais comme la volonté  d'avoir des soins mieux intégrés avec une première ligne offrant des soins de qualité est manifestement présente,  il conviendra d'avoir rapidement des processus qualité pour l’ensemble de la chaîne de soins. »
A terme, l'intérêt est présent donc : « D’autant plus que l’on va vers une réorganisation du système qui impliquera une sortie de l’hôpital d’un certain nombre d'éléments. Cela demandera donc une réflexion quant à une démarche qualité au niveau de l’ensemble du système : comment est-ce qu’on assure la même qualité de soins au niveau extramuros...c’est une question d’autant plus importante que l’on sait que les périodes de transition, qui vont se multiplier dans une telle réorganisation du système, sont une source importante d’événements indésirables. Les risques seront importants. »

Les crises et la qualité
La répétition des crises l’incite enfin à la vigilance : « Nous sommes dans un contexte très tendu financièrement et on peut craindre que la qualité, ou à tout le moins certaines démarches institutionnelles en la matière soient mises de côté avec les priorités énergétiques et financières, les problèmes de ressources humaines et les contraintes administratives. Il y a donc un risque réel de voir certains hôpitaux s’éloigner de l’accréditation à cause de l’enchainement des crises, en invoquant par ailleurs que cette démarche n’est plus nécessaire. Or, je le rappelle, si l’accréditation n’a jamais réussi à démontrer sa plus-value systémique, il est prouvé que cette démarche est un excellent levier pour mettre en place les fondamentaux de l’amélioration continue, qui nécessite du temps pour se pérenniser. Il serait dommage d’abandonner trop tôt un outil dans lequel de nombreux hôpitaux ont beaucoup investit.»

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Derniers commentaires

  • Pierre Fondu

    10 novembre 2022

    Agrément, accreditation ,mise en cause de l accréditation
    Et quand les médecins auront ils encore le temps d accorder leur priorité aux patients ?