Pandémie: qui va prendre en charge la perte de revenu des médecins et des hôpitaux ?

Les finances des hôpitaux ont été impactées en 2021 par la baisse de l’activité. Elles le seront en 2022 et sans doute aussi en 2023 et 2024. Qui va prendre en charge la perte de revenu des médecins et des hôpitaux ? Les commentaires de quelques patrons d’institutions hospitalières...

La pandémie s’est installée dans les couloirs des hôpitaux. Le personnel est fatigué, harassé par les vagues successives. À tous les étages, les hôpitaux sont impactés. Financièrement, l’impossibilité pour les institutions de retrouver une pleine activité à 100% pendant une année complète a un impact aussi sur les médecins. 

Les directions hospitalières en ont conscience comme l’explique Stéphan Mercier, administrateur délégué du Groupe Jolimont :   « Au-delà de l’année 2020, nous pouvons maintenant confirmer que l’année 2021 ne sera pas « normale » non plus pour les finances de l’hôpital. Nous n’avons pas sur une année complète un retour à 100% de notre activité. Quand on voit l’évolution de la pandémie, il est aussi raisonnable de penser à une baisse des rentrées en 2022 et 2023 tout simplement parce qu’une partie de la patientèle n’est plus là. »

Les gériatres, un exemple
Il donne un exemple très concret sur le terrain: “La plupart des médecins sont liés à l’activité et elle ne reprend pas dans tous les secteurs à 100%. Ils vont donc aussi perdre des revenus. Dans les services de revalidation et de gériatrie, nous avons moins de patients. Comment allons-nous payer les gériatres? La nomenclature ne leur est déjà pas favorable, mais là en plus, nous avons des problèmes de volume de patients. Ce n’est pas le moment de fermer des unités de gériatrie alors que nous en aurons besoin dans deux-trois ans. Les perspectives sont donc compliquées.”
Cette réalité de terrain amène à se poser des questions sur le financement pour les années à venir en attendant la grande réforme du financement hospitalier : “Ce qui apparaît clairement, ce que tout le financement aujourd’hui est basé sur l’activité. Or, avec cette crise, on se rend compte qu’il y a une partie de l’activité sur laquelle, nous n’avons pas la maîtrise. Cela nous oblige à garder des ressources en terme de vigilance sanitaire et de logistique. Le financement actuel n’est pas orienté sur ce type de gestion. Il faut donc réfléchir autrement au financement en attendant surtout si la crise perdure en 2022, 2023, 2024.”

Des opérations décommandées
Chez EpiCura, François Burhin, directeur général, la vigilance sur le volet financier de la crise est permanent aussi: “Depuis le début de la pandémie, nous avons eu un système d’avance. Nous attendons toujours un décompte pour le second semestre 2020 que nous n’avons jamais reçu. Cela met énormément d’incertitudes dans les budgets des hôpitaux.” 

La diminution du nombre de patients n’est pas non plus sans conséquence: “Aujourd’hui, nous avons encore beaucoup de personnes qui décommandent des opérations. Au niveau financier, je pense que la solution de la sagesse serait d’immuniser la période covid : soit l’année 2020 et l’année 2021. Nous avons déjà sensibilisé nos fédérations à cette question.”
Il a aussi conscience de la difficulté que les médecins vont rencontrer: “Les médecins vont aussi avoir des pertes de revenus. D’autres problèmes apparaissent. Au niveau d’Epicura, par exemple, les assistants sont partiellement à charge de l’hôpital et partiellement à charge des médecins. Nous en avons une cinquantaine : moitié ULB, moitié UCL. Dans une période de crise comme celle-ci, les assistants à charge des médecins sont pris en charge par l’hôpital. Quand l’activité ne permet plus aux médecins de payer, dès que l’on ferme la salle d’opération par exemple, nous les reprenons en charge. » 

Il faut donc se reposer la question au niveau des autorités de savoir qui couvre quoi. Pour lui, la question financière ne sera pas résolue par une simple avance : “Il faut avoir 
plutôt une réflexion structurelle. Il faut de la souplesse parce qu’on n’a pas une activité habituelle.” 

Une forme de compensation
Pour Stéphane Lefebvre,  Directeur du CHR Verviers, la réalité de terrain est sans détour : 

« Par rapport à 2021, nous avons une activité qui va de nouveau être ralentie fortement en fin d’années. Nous allons avoir besoin d’une forme de compensation. L'année 2020 avait déjà été compliquée, mais nous avons pu bénéficier d’un bon financement. En 2021, les mesures covid ne permettent pas à l’hôpital de fonctionner à plein régime. Ces mesures amènent des rendez-vous plus espacés et plus de contraintes qui font que l’hôpital n’est pas à 100%.” 
Selon lui, le gouvernement devrait être sensible à cet aspect: « A ce stade, il est difficile d’estimer le manque à gagner, mais la situation se dégrade fortement. Nous mettons de nouveau le frein sur l’activité planifiée.” 

Les médecins aussi
Les médecins vont aussi être impactés par cette perte d’activité en 2021: “En effet, les médecins vont être touchés.” Surtout que l’activité médicale est frappée par la pénurie et que l’hôpital doit faire face au manque de personnel (entre 10 à 15%) : “Nous perdons chaque jour du personnel qui est positif, mis en quarantaine, des démissions, du burn out, des cas contact, des gardes d’enfants... La situation est très compliquée et elle le sera encore plus dans les 3 à 4 semaines qui viennent. Nous manquons de bras dans le personnel infirmier principalement. Nous n’avons pas de solution, nous sommes dans une impasse. “ 
L’inquiétude au niveau des revenus des médecins est confirmée par le Dr Manfredi Ventura, directeur médical du GHdC, le Grand Hôpital de Charleroi et président de l’AFMC (Association Francophone des Médecins Chefs) : « Les médecins doivent faire face à des pertes de revenus avec les reports ou l’arrêt de certains soins. Les autorités doivent en tenir compte. »
La question du financement ou de mesures de soutien, pour les hôpitaux et les médecins, ne manquera pas d’arriver sur la table du gouvernement....qui ne souhaite pas faire de commentaires à ce stade à ce sujet.

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Derniers commentaires

  • Freddy GORET

    25 novembre 2021

    Cher confrère
    il ne faut pas rêver les politiques ne feront RIEN
    pour compenser les rentrées financières perdues
    la direction des hôpitaux n a qu' une seule solution
    augmenter le taux de prélèvement sur les honoraires médicaux...