Réforme hospitalière, " Le ministre Vandenbroucke va retirer des moyens aux médecins et aux hôpitaux" ( Catherine Fonck )

La cheffe de groupe des Engagés est très inquiète pour les finances des hôpitaux : « Le ministre Vandenbroucke va retirer des moyens aux médecins et aux hôpitaux en voulant s’attaquer immédiatement à la biologie clinique, à la radiologie et à la pharmacie . Ces mesures vont avoir un impact négatif immédiat sur les budgets des hôpitaux et les médecins, alors que la réforme via les forfaits n’arrivera que dans un deuxième temps.».
Le lancement du grand chantier des réformes hospitalières est au coeur de tous les budgets hospitaliers. La cheffe de groupe à la Chambre des Engagés, Catherine Fonck, a récemment parlé avec plusieurs acteurs du secteur. Ils expriment toutes et tous une crainte importante pour leur budget des années à venir : « Cette réforme en profondeur est indispensable, mais elle ne doit pas se faire contre les patients, les médecins et les hôpitaux. Le ministre de la santé Frank Vandenbroucke ne se rend pas compte qu’en s’attaquant à la biologie clinique, la radiologie et la pharmacie notamment, ces mesures vont avoir un impact négatif immédiat sur les budgets des hôpitaux et les médecins, alors que la réforme via les forfaits n’arrivera que dans un deuxième temps. » 
Elle détaille son propos : « Quand il fait cela, il ne diminue pas juste les rémunérations des médecins (que le ministre considère comme étant trop payé), il diminue aussi de manière immédiate le financement des hôpitaux. Je rappelle en effet qu'une large partie des honoraires des différents médecins spécialistes ne vont pas dans leur rémunération, mais restent dans les caisses des hôpitaux pour procéder au développement de projets, pour payer les salaires....Le ministre va donc clairement imposer des économies tout de suite aux hôpitaux. Cela ne va pas. Il y a un vrai décalage de calendrier entre ces mesures immédiates et les réformes qui viendront plus tard. C’est intenable pour les hôpitaux. Je propose donc que pendant la transition de la réforme, le ministre garantisse un financement suffisant aux hôpitaux. »
Pour elle, le financement des hôpitaux doit évoluer. « Il faut arrêter avec des corrections de budget trois à quatre ans plus tard. Il est temps de mettre en place un budget sur base pluriannuelle. »

Un contrat de gestion
Catherine Fonck évoque la mise sur pied d’« une forme de contrat de gestion avec les hôpitaux (et les maisons de repos...) avec des objectifs à atteindre. Par exemple un objectif sur le shift ambulatoire. Les hôpitaux, les médecins et les équipes de soins sont les mieux à même de définir les mesures pour atteindre l’objectif par hôpital ou réseau. Cela permettrait d’avoir des réformes plus adaptées à la réalité de chaque hôpital et plus efficaces ».
Pour elle, cette réforme doit également s’atteler à l’humanisation des soins pour permettre de donner plus de temps au soignant avec chaque patient. Les réformes à venir ne prennent pas en compte cet aspect des choses d’autant plus que les durées de séjour des patients sont de plus en plus courtes . Les médecins et le personnel infirmier au quotidien doivent faire face à des patients avec de plus en plus de pathologies chroniques et lourdes. Ces aspects doivent être pris en compte dans les réformes. »

Absence de mesures fortes
Elle s’inquiète en outre de l’absence de mesures fortes face à la réalité économique actuelle : « Aujourd’hui, le financement des hôpitaux est aggravé par l’absence de décisions récentes des gouvernements à propos de l’inflation (les coûts énergétiques explosent ainsi que tous les autres coûts), du coût du personnel salarié (en 2022 et 2023 l’indexation représentera 13-14 %), des subsides... aucune des décisions n’intègrent ces différents coûts en hausse, et le gouvernement n’a pas appliqué les indexations aux honoraires et aux budgets pour payer le personnel hospitalier. Par contre, les ministres ont indexé complètement leur salaire… »

Un DPI uniformisé
Elle attend aussi que le ministre Vandenbourke dans cette réforme fasse preuve d’audace en matière d’intelligence artificielle : « C’est un enjeu majeur. L’IA en santé doit être correctement pensée pour ne pas faire perdre de l’énergie aux médecins et aux autres acteurs de soins. L’exemple le plus frappant est le dossier informatisé du patient avec de multiples versions sur notre pays : il y a urgence ! Pour les équipes qui travaillent au sein des réseaux dans différents hôpitaux, il est urgent d’avoir un DPI uniformisé. Le politique doit agir et  œuvrer idéalement à UN dossier informatisé pour tout le pays dans les 5 à 10 ans qui viennent  avec les médecins, les ingénieurs.... Evidemment, l’IA va permettre aussi de l’aide au diagnostic et des opérations à distance.... » Mais elle insiste sur un aspect très concret dans les hôpitaux : « L’IA n’est pas faite que pour des procédés très complexes, il faut l’utiliser pour des éléments ou des procédures basiques qui peuvent aider les soignants au day to day. »

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Derniers commentaires

  • Erik FRANCOIS

    30 aout 2022

    Malheureusement le ministre semble influencé par un dogmatisme anti-médecin. Il faut à tout prix casser les médecins, même si cela implique de casser l'accès aux soins et les finances hospitalières. Il n'est jamais dit que les médecins font déjà un large travail non-rémunéré (au téléphone, en administratif, et en soins non facturés). Les nombreuses réformes menées de front (accréditation, loi qualité, honoraires, réseaux, mode de financement hospitalier) rendent la situation très incertaine, anxiogène, et incompréhensible. On sait juste que tout va changer, en mal, et vite. Pour les honoraires et le financement des hôpitaux, on va aller d'une situation difficile à comprendre vers une situation d'une telle complexité que l'opacité sera cette fois totale et que les hôpitaux devront encore engager plus d'administratifs pour gérer tant bien que mal. Tout va dans le sens de l'alourdissement administratif. On ne trouve pas ou ne veut pas trouver d'infirmiers, mais des qualiticiens et autres on en engage à tour de bras. Absurde.

    Quant au DMI, prudence. Au vu des quelques dernières années, qui fait confiance à fgov.be pour sortir un dossier informatisé correct? Vu le zèle antimédical et les envies de microcontrôle, le machin en question sera inévitablement un outil d'encodage encombrant et invasif. Les américains, avec des informaticiens et des budgets (ça va ensemble) d'un tout autre niveau n'ont pas encore réussi à produire des DMI corrects. Ne croyons pas que la Belgique de 2022 en soit capable. Mieux vaut laisser les choses décanter et voir ce qui en sort. Et utiliser le temps et l'argent à peaufiner les réseaux de santé (RSW, RSB, etc) existants qui sont quand même encore fort primitifs. Par ailleurs, la résilience d'un système repose aussi sur sa diversité (d'où la folie de l'excès de fusions). Qui peut croire que la Belgique avec un DMI uniformisé sera immunisée contre une attaque informatique, telle qu'on en vit régulièrement. Plutôt que l'arrêt total d'Arlon pendant une semaine, ce sera peut-être la paralysie complète des soins du pays entier pendant un mois, si nous dépendons tous du même système centralisé.

    Nous avions en Belgique, et en vivons la fin, un système reposant sur de nombreux prestataires hospitaliers et privés, à très bon prix, et à très bonne qualité, très accessible, sans attente. Et je répète que cela coûtait moins cher qu'ailleurs. Les patients et médecins étaient libres et satisfaits. Evidemment, cela reposait sur une grande part de liberté de choix, sur des honoraires variables, sur une quote-part non négligeable parfois, sur une rémunération à l'acte (simple et efficace), et probablement une part de surconsommation et de sous-consommation. Qui peut affirmer que les réformes innombrables ont amélioré l'accès, diminué les coûts, et améliorer la satisfaction générale?

  • Monica Brad

    29 aout 2022

    Les médecins sont soumergé par la charge du travail - consulter un patient en 20 minutes et faire encore des examens complementaires afin de rentabiliser la consultation c'est un "must" pour le financement de l'hôpital.
    En plus depuis le DMI les médecins assure aussi le travail de sécrétaire -sans que quelqu'un tiens compte de ça!
    Les frais avec le personnel sont moindre mais les médecins ne savent pas révendiquer leurs droits car ils n'ont pas à l'esprit de s'occuper d'eux même aussi!

    Courage à ceux qui passeront le concours avant le début des études de médecine!
    Dr M.B.