Vers une obligation de garde à l'hôpital pour les spécialistes extra hospitaliers

La « Loi Qualité » devrait entrer en vigueur le 1er juillet 2022. Le ministre de la santé pourrait utiliser un aspect de cette loi pour réduire un problème de pénurie de main d’oeuvre médicale dans les hôpitaux en obligeant les spécialistes qui pratiquent en extra muros de revenir à l'hôpital pour y faire des gardes.

Pour rappel, cette loi, initiée par la ministre De Block devait être d’application en 2019. La pandémie avait amené un premier report en juillet 2021. Concrètement, cette loi consacre la liberté thérapeutique du prestataire de soins, tout en imposant une compétence minimale requise. La loi précise également ce qui doit figurer dans le dossier médical du patient. 

Elle pourrait aussi à terme amener les spécialistes extra hospitaliers à être obligés de faire des gardes comme l'explique Philippe Devos, l'ex-président de l'Absym: " Cette loi qualité est un vrai fourre-tout. Peu de médecins se sont rendus compte des conséquences potentielles de cette loi. Elle contient une petite ligne qui dit que tous les médecins (extra hospitaliers compris) doivent participer à un rôle de garde."

Cette ligne n’a pas été écrite de manière anodine. "Cela veut dire que demain, une autorité (l’INAMI ou le SPF par exemple) peut dire à un spécialiste extra hospitalier que pour qu’il puisse continuer à exercer la médecine, il doit être inscrit dans un rôle de garde et qu’il le prouve. Un prochain ministre de la Santé ou le ministre actuel pourrait utiliser cet article de la loi pour réduire un problème de pénurie de main d’oeuvre médicale dans les hôpitaux. " poursuit Philippe Devos.

Des spécialistes en pénurie à l'hôpital

Aujourd’hui sur le terrain, il y a de plus en plus d’hôpitaux qui décrivent des difficultés à avoir certains médecins pour faire des gardes (ophtalmologies, certaines activités de médecine interne, la pneumologie, la cardiologie, l’ORL, la dermatologie pour des avis urgents....): " On sait que la tendance actuelle en médecine est de vouloir une meilleure qualité de vie. Beaucoup de confrères cherchent à éviter de faire des gardes à l’hôpital. » reconnaît Philippe Devos.

Bonifier sa pratique

Cette nouvelle disposition pourrait pourtant améliorer leur pratique d'extra hospitaliers : « Les gardes vont leur permettre de revoir des pathologies différentes. Cela va aussi leur offrir la possibilité de travailler plus en équipe. En faisant les gardes, ils vont pouvoir dialoguer et s’intégrer avec d’autres membres du personnel soignant de l’hôpital. Cela peut aussi leur permettre d’approfondir une réflexion clinique et scientifique, mais aussi de se pencher sur les protocoles de prises en charge. »

Pour Philippe Devos, il y a aussi la notion d’équité qui est centrale entre médecins : « Il ne faut pas que les médecins hospitaliers se retrouvent avec des honoraires diminués par rapport aux extra hospitaliers parce qu’ils ont un prélèvement et qu’en plus ils subissent des astreintes que les autres n’ont pas. Quand on est médecin, on sait qu’on a un rôle sociétal à jouer et ce rôle doit être équitablement partagé. »
Ce genre d’obligation dans des pays comme l’Allemagne a amené les médecins libéraux, qui travaillaient à leur domicile, à se rendre dans un hôpital pour s'inscrire dans un rôle de garde. "Cela pourrait résoudre la pénurie, et même diminuer la pression sur les médecins assistants. Évidemment, pour que cela entre en action, il faudrait une volonté politique et un arrêté royal. »

Lire aussi:

L'entrée en vigueur de la loi "qualité" dans les soins de santé reportée d'un an au maximum

La loi relative à la qualité de la pratique des soins de santé adoptée cette nuit à la Chambre

Que retenir de la nouvelle loi relative à la qualité de la pratique des soins de santé ? (Avocat)

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Derniers commentaires

  • Francois Planchon

    29 mai 2022

    Pas assez de médecins ???
    Mais alors pourquoi s'obstiner à une limitation des étudiants avec des concours aboutissant à un quota, quel que soit la taux de réussite de l'examen, et une limite de Nos INAMI ?
    La pratique du double langage, et de l'hypocrisie, ne devrait pas avoir sa place dans la gestion de la santé !
    A quand un inventaire réel des besoins non satisfaits, avec une marge de sécurité, et une planification liée à la pyramide des âges des médecins en place, pour déterminer le nombre de places nécessaires pour ne plus jamais avoir de pénuries... Trop simple ?

  • Bruno LULLING

    21 mai 2022

    Et les Enseignants manifestent pour bien moins que ça! Vivement la pension ! Ce monde de contrôle technocratique n'est pas le mien.

  • Bruno JACOB

    20 mai 2022

    Recours trop fréquent au SU pour de multiples raisons à analyser. Absence d'anticipation sur ce phénomène et par voie de conséquence médecin specialiste en médecine d'urgence en nombre très nettement insuffisant Deficit de certains spécialistes au vu de l'explosion de nouvelles technologies. Impossibilité de travailler jour et nuit sans conséquence rapide sur votre propre santé et vie familiale. Ces phénomènes , le gigantisme et l 'absence de stabilité des institutions hospitalières depuis plus de trente ans expliquent en partie la fuite et un certain malaise des médecins hospitaliers. Dr B Jacob

  • Bruno LULLING

    20 mai 2022

    Cette loi est proprement imbuvable!! Nos ainés ont fait grève pour moins que ça!!! Et nos syndicats qui avalent le boa...

  • Valérie DE DECKER

    20 mai 2022

    Argument qui mène à l'interdiction de la pratique extra-hospitalière, en somme. L'histoire montre que l'incitatif est toujours plus efficace. Formez des intensivistes et des urgentistes en nombre et en qualité, laissez-les travailler, et payez-les bien. Problème résolu.

  • Valérie DE DECKER

    20 mai 2022

    Il est temps d'arrêter cette campagne anti-specialistes extra-hospitaliers. Chacun essaye de trouver la place qui lui convient.
    L'hôpital devrait peut-être se demander pourquoi les médecins le fuient.
    En ce qui me concerne, je ne l'aurais pas quitté si la pression de rendement n'avait pas été si importante (la seule chose qui comptait était le nombre de patients inscrits à la consultation). Je n'ai jamais pu atteindre les objectifs qui m'étaient fixés et cela m'a rendu malade.
    Quant au fait que les extra-hospitaliers n'aient pas de rétrocession : vous pensez vraiment que nous n'avons pas de frais??? A votre avis, qui paye le loyer, les assurances, le logiciel médical informatisé (très coûteux), les assurances, l'agenda électronique et j'en passe? Qui se subventionne pour prendre congé?
    Par ailleurs, il ne me semble pas que tous les spécialistes hospitaliers participent aux gardes. Chacun a choisi sa spécialité et les contraintes qui l'accompagnent.
    Entre les nouvelles règles d'accreditation, les gardes obligatoires et le retour à l'hôpital de tous, je pense que le nombre de médecins qui changeront de professions ou partiront à la retraite sera non négligeable.
    Si l'hôpital ne m'avait pas poussé dehors, comme nombreux de mes confrères qui accordent plus de temps à leurs patients, j'y serais encore.
    A ce stade, il ne m'est plus possible d'y retourner.

  • Geneviève Rinchon

    19 mai 2022

    Voilà un bon moyen de pousser certains à la retraite anticipée ! Donc encore diminuer le nombre de médecins...
    Pour ce qui est d'augmenter la qualité des soins, j'en doute.

  • Alexandre Sarafidis

    19 mai 2022

    Cela ne résoudra rien et de plus c ‘est anormal .
    La garde pourrait être réalisée en extrahospitalier.