Les paradoxes du management hospitalier! (Dr Didier Clause)

Entre innovation, mission sociale et équilibre budgétaire, les directions hospitalières sont de plus en plus sollicitée pour prendre des décisions au sujet des frontières de son hôpital : qu’elles soient géographiques (création du réseau hospitalier), culturelles (politique de gestion des ressources humaines, défi linguistique) ou structurelles (fermeture ou conversion de lits, construction, rénovation, achat de technologie coûteuse).

Au cœur d'un défi majeur, le secteur hospitalier entame une  transformation nécessaire mais dans un contexte financier handicapant comme le suggère la dernière étude Maha.Une réduction  progressive du nombre de lits hospitaliers ne peut se concevoir sans programmer de concert une prise en charge plus encadrée et personnalisée des patients à domicile. Pour s'adapter à ces évolutions, les hôpitaux devront consentir à des investissements importants dans les années à venir.

En matière de santé, faire tout partout est devenu difficilement défendable. Tant la dispersion des talents et des ressources qui prévalent aujourd’hui que le refus d’admettre que la qualité des soins est liée étroitement aux volumes de prestation (on fait bien ce qu’on fait tout le temps) sont devenus insoutenables.

Dans la perspective de rationaliser et spécialiser les soins, apparaissent les notions de réseaux provoquant parfois une inquiétude dans la manière dont elle se réfléchit parfois.  

L'indécision du monde politique

Actuellement, les freins institutionnels et réglementaires sont nombreux et certains devront indubitablement être dépassés mais avec raison et objectivité. Dans ce contexte, l'indécision du monde politique peut provoquer un sentiment d’insécurité et être source de tensions entre les médecins et les gestionnaires d'hôpitaux. Le découpage des prérogatives entre le fédéral et  les régions constitue de plus en plus un frein pour le développement d’une vision ambitieuse des soins de santé à long terme pour l'ensemble du pays. Il faudra, à terme, faire des choix clairs pour que l’on s’éloigne de cette situation inconfortable.

L’innovation politique est donc une condition nécessaire à la réussite de cette transformation car l’Etat est l’acteur incontournable pour les questions d’arbitrages politiques et budgétaires. Se donnera -il les moyens de répondre à la question de la compatibilité entre, d’un côté des objectifs macroéconomiques de rationalisation des dépenses dans une logique de meilleure performance et , de l’autre côté une volonté de modernisation d’un système secoué par des transformations en cours ?

Rassembler le pouvoir de régulation plutôt  que le disperser constitue donc un préalable.  L’avenir nous soufflera probablement la direction à prendre : Fédéraliser à nouveau  ou transférer complètement l’autonomie aux régions.

Face aux prérogatives de ces calendriers politiques, la survie à long terme d’une institution hospitalière dépend aussi de sa capacité à expérimenter, à prendre des risques, à apprendre de ses erreurs au fur et à mesure qu’elle développe de nouveaux services ou de nouveaux processus. Une innovation qui doit en même temps s'inscrire dans un quotidien fait de constance, de discipline et de concentration pour exploiter de la façon la plus profitable ses services et ses processus existants.

Plus de constance dans les décisions pour les médecins

Du côté des médecins, on attend du management hospitalier de la constance dans ses décisions, qu’il garde un cap en lien avec la culture de son hôpital. Au quotidien, il est pourtant confronté à des exigences multiples et parfois même contradictoires : innovation, mission sociale et pression financière. Au fur et à mesure qu’évolue l’environnement de l’hôpital, les besoins et les attentes des parties prenantes  sont remises en question. Les directions hospitalières sont de plus en plus partagées entre la volonté de maintenir l’équilibre budgétaire et générer des bienfaits plus globaux, par exemple pour leurs salariés, leurs patients ou la société en générale. Ces dernières années, les tensions se sont accentuées en même temps que la reconnaissance du capital humain comme moteur premier de la création de valeur.

Les patients représentés au sein des conseils d’administrations

Au quotidien, Le service de réanimation est une unité de convergence pour de nombreuses spécialités. Il est exposé au flux de patients venant tant de l’extérieur de la clinique (en particulier, via le Service des Urgences) que de l’intérieur (étages de soins, bloc opératoire). C’est un observatoire de premier choix permettant d’appréhender rigoureusement les contraintes et difficultés rencontrées par les uns et les autres. C’est  aussi un lieu d'échanges humains intenses ; pas uniquement avec le personnel mais aussi et surtout avec les patients ou leurs proches. Ces derniers, cependant, ne se rendent pas toujours compte de la nécessité de changer le modèle de soins de santé mis en place il y a trente ans, considérant, probablement comme d’autres, qu’il s’agit d'un acquis immuable. Ils ne réalisent pas encore, que dans un futur proche, ils représenteront une partie prenante majeure  à ce processus de transformation, au point d’envisager peut être leur représentation au sein des conseils d’administrations hospitaliers par le biais des associations de patients. Les ressources hospitalières étant limitées, les dépenses devront se concevoir dans un cadre fermé, ce dont les patients ne sont pas toujours conscients.

Des changements importants

Il est probablement plus facile de prédire le futur lointain que de tenter de décrire ce qui est en train de se mettre en place dans le court et moyen terme. Toutefois, il est certain que l’organisation des soins de santé est promise à des changements importants pour lesquels il est indispensable que nos institutions, chacune ancrée dans leur environnement géographique spécifique, se prépare activement à s’y adapter.

Au sein de l’hôpital, il est donc primordial de considérer la pertinence de nos choix et il relève de notre responsabilité collective de vérifier si les moyens affectés à notre stratégie rencontrent les objectifs fixés. Cela nécessite de définir des objectifs clairs, non ambigus et réalistes, sans pour autant renoncer à être ambitieux.

  • Le Dr Didier Clause est médecin au service des soins intensifs des Cliniques de l'Europe sur le site Ste-Elisabeth

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Derniers commentaires

  • Abbas MROUE

    23 janvier 2019

    d'abord peut être les médecins dans les conseils d'administration des hôpitaux avant les associations des malades .

  • Alain Bachy

    18 janvier 2019

    Belle approche de la direction médicale