Etude Maha: "Une grande disparité de l'impact de la crise sur les hôpitaux" 

Secoués par la pandémie, les hôpitaux belges vivent sur un équilibre financier précaire. Au cours de l'exercice 2020, les avances octroyées par le fédéral ont tout juste permis de les maintenir à flot sur le plan financier,ressort-il de l'étude Maha (Model for Automatic Hospital Analyses) de Belfius, présentée jeudi. Pour Jacques de Toeuf (Absym), « la situation n’est pas plus inquiétante que les autres années pour les hôpitaux. Le problème majeur se situera en 2023 quand il faudra rembourser les avances. »

Après quatre vagues, les hôpitaux sont toujours debout mais dans la tempête. Ils doivent en outre faire face à un défi supplémentaire : le manque de personnel de santé à cause de l'absentéisme. 

De leur côté, suivant les spécialités, les médecins ont perdu une partie plus ou moins grande de leur activité et de leurs honoraires de vague en vague. Dans l’étude MAHA de cette année qui se base sur un échantillon qui concerne 86 des 92 hôpitaux généraux, le constat est sans appel : « La perte d’activité est l’élément principal qui a plombé les comptes des hôpitaux. On remarque un recul très important des admissions et des journées réalisées en 2020 : -18,2%. La baisse la plus importante a eu lieu en avril 2020 avec des admissions qui ont plongé de pratiquement 60% par rapport à la même période en 2019. Les admissions classiques lors du 1er semestre 2021 restent aussi significativement impactées. Par contre, l’hospitalisation de jour revient à son niveau de 2019. » explique Arnaud Dessoy, Responsable des Études Public Finance et Social Profit chez Belfius.
De son côté, Jacques de Toeuf, attire l’attention sur deux points à la lecture de l'étude: « La situation n’est pas plus inquiétante que les autres années pour les hôpitaux. Le problème majeur se situera en 2023 quand il faudra rembourser les avances. Par ailleurs, la situation reste préoccupante pour les hôpitaux à Bruxelles par rapport aux autres régions. La dette financière est, par exemple, plus importante à Bruxelles. »

Le chiffre d’affaires des hôpitaux généraux a diminué de 3,5% pour un chiffre d’affaires qui représentent 15 milliards pour le secteur. « Nous avons constaté une très grande disparité de l’impact sur les hôpitaux : certains perdent 10% du CA pendant que chez certains une légère progression reste remarquée » ajoute Arnaud Dessoy.

Admission et télémédecine
Lors de la deuxième vague, en automne, les admissions ont chuté de plus de 40 % en novembre. Il ne s’agit là que de moyennes. Les hôpitaux wallons ont enregistré 5,2 points de pourcentage d’admissions en moins que les hôpitaux flamands. Cela pourrait s’expliquer notamment par le fait qu’en Flandre, l’infrastructure hospitalière est plus moderne. Cela pourrait aussi s’expliquer par le fait que plusieurs hôpitaux ont recouru à la télémédecine.

Les honoraires des médecins 

La donnée la plus pertinente pour les médecins concerne l'évolution des honoraires au cours de la première année Covid. On constate que les hôpitaux ont eu 6,5 % de revenus en moins en provenance du paiement des honoraires des médecins. La pression sur les salaires et, en même temps, la réduction importante des revenus mettent les hôpitaux (et les médecins) dans une position très délicate. 

Séjours plus longs

« Pour le premier semestre 2021, lors de la troisième vague, on a constaté une baisse de 9,9% des admissions classiques et d’un cinquième des journées d’hospitalisation. Ce qui frappe, c’est que la durée de séjour, qui diminuait d’année en année avant l’arrivée de la pandémie est repartie à la hausse en 2020. Peut-être est-ce dû au fait que certains patients covid restent hospitalisés durant plusieurs semaines. » ajoute Arnaud Dessoy.
Les avances
Les hôpitaux ont reçu de la part du fédéral des avances de trésoreries fédérales. «Nous avons mené une enquête pour savoir comment les hôpitaux avaient utilisé cette aide. Les avances octroyées par le gouvernement fédéral ont tout juste permis de maintenir les hôpitaux à flot sur le plan financier» ajoute Arnaud Dessoy.

La vraie question à ce niveau est la suivante: Les hôpitaux devront-ils remboursé ? Le ministre pourrait encore annuler la dette.  L'année 2023 sera donc importante pour les finances des hôpitaux.

La dette
Si en 2020, les fonds propres ont augmenté de 1,6%, les dettes augmentent plus fortement. Par ailleurs, depuis trois ans, les investissements bruts régressent et s’établissent à 655 millions d’euros pour les hôpitaux généraux. Cela représente un recul de 16% par rapport à 2019. Seuls les hôpitaux wallons affichent un rythme d’investissement plus élevé. 
Le manque de personnel

Les hôpitaux doivent faire face à des pertes d'honoraires et à une diminution des rentrées du secteur de la pharmacie. Pendant ce temps, les charges en matière de personnel ont augmenté : la hausse relativement soutenue (+/_5% ) est principalement imputable à l’effet prix. Par ailleurs, on le remarque sur le terrain chaque jour, en dépit des mesures de renforcement de l’attractivité, l’effectif du personnel soignant ne progresse que très faiblement (+0,5%)
L’avenir  et la cybersécurité
L’étude Maha montre que des investissements considérables sont nécessaires pour assurer la transformation digitale des hôpitaux et permettre une meilleure circulation des informations tout en renforçant la cybersécurité. En outre, les hôpitaux n’échapperont pas à terme aux normes plus strictes en matière d’efficacité énergétique et durabilité de leurs infrastructures. Par ailleurs, l’étude montre que les coûts de construction augmentent fortement en raison de la demande et des problèmes d’approvisionnement. Elle pointe aussi l'importance d'un juste dimensionnement des hôpitaux. Face à tous ces défis, des solutions existent : "Le réseau hospitaliser constitue une opportunité et une perspective transversale pour les gestionnaires. Sans oublier qu'une profonde refonte de leur financement s’impose comme prévu dans l’accord du gouvernement." conclut Arnaud Dessoy.

Réactions

De son côté, Gibbis demande « du soutien immédiat, mais aussi des investissements à long terme avec notamment l’Octroi de compensations financières pour l'impact du COVID-19. Elles sont très insuffisantes : limitées jusqu'au 30 septembre (donc aucune compensation pour la 4e vague) et aucune compensation pour la perte d’activité ». L’association veut aussi « un investissement spécifique dans l'attractivité du département des soins infirmiers, qui sont nos ressources extrêmement précieuses et rares. Par exemple il faut valoriser les titres et qualifications des infirmiers spécialisés »

Elle aspire enfin à « une réforme durable du secteur hospitalier, axée sur plus de collaboration et de résilience et à une réforme du financement des hôpitaux, orienté sur la qualité de la prise en charge et les résultats...sans oublier le financement correct des nouvelles obligations imposées aux hôpitaux. »

Pour l'UNESSA, l’étude Maha 2020 confirme la fragilité financière des hôpitaux. Elle demande aux autorités, principalement fédérales, de lever le plus rapidement possible les incertitudes sur leur financement. Si l’équation bien-être des patients + engorgement de nos services de soins intensifs + épuisement et manque de personnel soignant sont bien en tête dans tous les agendas du secteur, pour la résoudre, la sécurité financière est une condition sine qua non.

Le ministre fédéral de la Santé publique Frank Vandenbroucke a assuré jeudi finaliser un projet de réforme. "La crise a montré la nécessité de réformer le financement des hôpitaux. Ces dernières semaines, j'ai mis la dernière main à un plan relatif à la réforme des hôpitaux. Je le présenterai début janvier", a-t-il affirmé.

Le ministre a également précisé prolonger les mesures de compensation des frais exceptionnels des hôpitaux dans le cadre de la quatrième vague de Covid-19. Le coût pour les neuf premiers mois de 2021 a été estimé à 408 millions. "Compte tenu de la quatrième vague, une prolongation de la mesure apparaissait bien sûr indispensable tant pour les trois derniers mois de 2021 que pour le premier trimestre de 2022. Un accord de principe a été trouvé lundi en kern pour travailler sur des pistes allant dans ce sens", a-t-il conclu.

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