Syndicalisme médical: «Il faut changer de méthode» (Dr G.Bejjani)

«Est-ce que les médecins doivent continuer à subir sans réagir?» A la suite de la démission de Philippe Devos, Gilbert Bejjani (Absym Bruxelles), revient sur la difficulté de travailler actuellement pour un syndicat médical. 

Est-ce difficile actuellement de travailler pour un syndicat médical ? Pour le Dr Gilpert Bejjani, président de l'Absym Bruxelles et Secrétaire Général de l'ABSyM, « Il y a un ras-le-bol collectif des médecins et particulièrement des difficultés pour assurer ce travail par les médecins du terrain et en activité.Au sein de l’Absym, on nous a invité comme des figures de proue, mais on nous a imposé des visions du passé et beaucoup de difficultés pour changer les choses. Le Dr Devos a vécu des moments et des votes très durs en interne et une inflation du nombre des réunions. Il y a un certain conservatisme qui décourage dans l’ensemble. L’entraide entre générations devrait passer nécessairement par un soutien vis-à-vis des médecins encore en activité. A un moment, il faut soutenir et faire profiter les plus jeunes de son expérience et de sa connaissance en tentant de comprendre ce que demande le terrain et d’imaginer des solutions créatives pour l’avenir, mais pas d’imposer des points de vue. Je pense que l’ABSyM fonctionne bien mais qu’à l’image de nos institutions, elle est complexe.»
Quelles sont les solutions pour travailler autrement ? 

"Aujourd'hui, tous ces groupes de travail nous demandent beaucoup d’énergie. Nous pourrions avoir un directeur opérationnel. Nous devons investir dans de l’opérationnel et pas dans seulement dans la communication. C’est clair que le financement est faible mais il faut aussi faire des choix en vue d’améliorer l’efficience. Aujourd'hui, il y a une méthode de travail qui consomme du temps et qui exacerbe parfois les tensions. Changer cela doit être notre priorité. Il faut pouvoir aller à des réunions avec des textes préparés et coordonnés pour faciliter le travail de nos représentants. Il faut communiquer dans la presse au nom du groupe aussi, en sus des personnes et de ceux qui bougent. Nous avons aussi des difficultés à recruter des jeunes médecins pour suivre les multiples commissions. Il faut enfin respecter la structure de l’Absym qui est en chambre par rapport aux autres syndicats qui sont en cartel, où les MG et MS s’expriment presque séparément. Il faut aussi tenir compte de la parité spécialiste et généraliste. Ce sont des missions d’équilibristes qui ne sont pas faciles. Peut-être sera-t-il nécessaire de revoir nos statuts pour mieux coller aux choses.”
Quels changements en profondeur faut-il apporter ? 

"Dans le financement et la gouvernance des soins. Est-ce que les médecins doivent continuer à subir sans réagir ?  Plus d’un milliard a été ajouté pour les hôpitaux et le personnel soignant, en plus des subventions covid pour les hôpitaux, et sans parler du soutien à différents secteurs de la première ligne et d’autres, mais il n’y a pas eu grand-chose pour les médecins et encore moins pour les spécialistes notamment dans les hôpitaux. Cela est grave parce qu’il n’y a plus eu d’investissement dans le budget médical, qui vit d’un index raboté tous les ans et sans moyens supplémentaires depuis des années. On parle de moins de 30 euros la consultation et des chirurgies à moins de 100 ou 200 euros ! Il faut aussi retrouver un équilibre dans le rapport de force vis-à-vis des fédérations hospitalières et des autres lobbys et renforcer la mission et la place du médecin au sein des hôpitaux. Je ne parle pas du droit de blocage mais de la cogestion. Une grande partie des spécialistes sont dans la ville et évitent de s’investir dans les hôpitaux, notamment à cause des gardes et de la pression financière mais aussi du sentiment d’insécurité dans l’emploi. Et cette présence en ville ne facilite pas la relation avec la première ligne de médecine générale. »  

Les médecins doivent-ils se mobiliser ? 

Si les médecins ne sont pas aidés au travers d’une réforme de la nomenclature - qui va de pair avec une réforme du financement des hôpitaux et de leurs gouvernance avec un financement basé sur des pathologies qui tient compte des réseaux pour assurer la responsabilisation dans les dépenses, on va aller droit dans le mur. La grève générale des médecins ou de certaines spécialités n’est pas à exclure. On n’est pas entendus et rien ne bouge. On ne peut pas continuer de permettre à certains de dépenser autant qu’ils veulent et de tirer ensuite sur les honoraires du corps médical pour récupérer leur argent. Cette déresponsabilisation est en train de tuer le corps médical qui, par ailleurs, n’arrive plus à obtenir des soutiens pour avancer.  Il faut du changement et une évolution rapide. Mais sortir les gens de leur zone de confort n’est pas chose facile et c’est triste de voir le prix humain que cela coute. Le départ du Dr Devos est un signe à prendre au sérieux. »

Cette charge de travail tout le monde en souffre ? 

« A mon niveau, j’ai aussi réfléchi afin que mon temps ne soit plus pris par des réunions et des emails inutiles. Depuis le covid, nous avons une inflation des visioconférences et des emails et il faut parfois prendre du recul, de la hauteur et s’organiser, ce que j’ai fait cet été. L’ABSYM Bruxelles fonctionne bien et cela me soulage beaucoup, je suis bien épaulé par les administrateurs et par l’excellente équipe, mais le nerf de la guerre reste l’argent, et des médecins qui s’impliquent plus. "

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